Le Sénat, qui débat à partir de ce lundi de la loi Sapin II, entend encadrer le statut du lanceur d’alerte et protéger, au même titre, les personnes visées par les dénonciations.
La protection des lanceurs d’alerte est en discussion cette semaine au Sénat, dans le cadre du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Loi Sapin II).
Après un passage en première lecture à l’Assemblée nationale, la commission des lois du Sénat a fortement détricoté le chapitre II, intitulé “De la protection des lanceurs d’alerte”. Et en a profité pour encadrer ce nouveau statut.
Une définition plus restrictive
Là où l’Assemblée nationale entendait créer un véritable statut du lanceur d’alerte, François Pillet, rapporteur de la loi au Sénat, préfère prévoir des protections contre les représailles et des exceptions aux infractions que commettrait un lanceur d’alerte.
Pour les sénateurs, beaucoup de plaintes, de signalements ou de dénonciations sont réalisés chaque année “sans qu’il soit pertinent” d’attribuer un statut aux personnes qui en sont à l’origine.
Par contre, le Sénat ajoute dans cette définition qu’une personne “faisant un signalement abusif engage sa responsabilité”. Des sénateurs qui ont voulu encadrer fortement les faux signalements et les potentiels dégâts que pourraient entraîner une fausse alerte. Pour cette raison, notamment, ils ont refusé une irresponsabilité pénale a priori.
La marche à suivre pour lancer l’alerte
La chambre haute est également revenue sur la marche à suivre pour un lanceur d’alerte. Le premier signalement doit désormais être porté à… un supérieur hiérarchique et “la divulgation au public ne devrait intervenir qu’en dernier ressort”.
Et attention à ceux qui ne respecteraient pas cette mesure. Pour le rapporteur, il est “nécessaire de déduire du non-respect de la procédure de signalement l’absence de bonne foi d’une personne signalant un fait dommageable à l’intérêt général”.
Enfin, le défenseur des droits, les instances de représentants du personnel et les associations de lutte contre la corruption disparaissent de la liste des instances auxquelles un lanceur d’alerte peut effectuer un signalement. Selon François Pillet, elles “ne disposent d’aucune prérogative pour s’assurer du bien-fondé de l’alerte ou de protection du lanceur d’alerte”.
Le Défenseur des droits ne pourra pas aider financièrement les lanceurs d’alerte
Dans la version initiale, le Défenseur des droits pouvait aider financièrement le lanceur d’alerte pour “la réparation des dommages moraux et financiers que celui-ci subit” et “l’avance des frais de procédure exposés en cas de litige”.
Le Sénat y voit “plusieurs difficultés majeures”. D’abord, que cette aide est “disproportionnée” et que le Défenseur des droits devrait se limiter à une mission d’orientation et à la protection de toute personne discriminée, “notamment en raison du signalement d’une alerte”.
Enfin, une confusion sur le statut du lanceur d’alerte : “Le fait d’avoir signalé une alerte n’est pas un droit reconnu a priori, mais bien un moyen de défense pouvant être invoqué au cours d’un litige”.
Le Sénat entend ainsi équilibrer la protection tant des lanceurs d’alerte que des personnes visées par le signalement. Les débats de cette semaine devraient encore affiner cette position. Ensuite, le texte faisant l’objet d’une procédure accélérée, une commission mixte paritaire se réunira pour essayer de trouver un compromis entre les deux versions. En cas d’échec, c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot.