L’Agence nationale des fréquences radio (ANFR) a définitivement refusé de publier la liste des téléphones potentiellement dangereux. Qu’importe si, comme annoncé par Le Lanceur mi-décembre, 89% des téléphones testés en conditions réelles d’utilisation ont un rayonnement supérieur à la norme en vigueur. Deux lanceurs d’alerte s’apprêtent à saisir le tribunal administratif pour enfin connaître les modèles à risque.
L’ANFR a décidé d’ignorer l’avis rendu par la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) en faveur du lanceur d’alerte Marc Arazi. Dans un courrier daté du 19 décembre dernier, le directeur de l’agence, Gilles Brégant, fait part de son refus de diffuser la liste des 95 téléphones portables dont 89% sont jugés potentiellement dangereux pour la santé des utilisateurs par une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
“Une rétention d’information [révélée par Le Lanceur, NdlR] qui ne fait qu’alimenter la suspicion, estime Fabienne Auserre, co-lanceuse d’alerte, c’est une question qui mérite la transparence.” D’autant que l’OMS a classé ces émissions dans les “cancérogènes possibles pour l’homme”. Mais, après avoir joué le mutisme face aux demandes répétées des deux lanceurs d’alerte de leur transmettre la liste des résultats de l’Anses, l’ANFR s’enfonce encore davantage dans son silence. Qu’elle justifie par les contraintes procédurales auxquelles elle est soumise.
“L’ANFR serait favorable à la communication”
Dans la même veine que lorsque nous l’avions interrogé mi-décembre, Gilles Brégant assure dans la lettre de refus ne pas être opposé à la divulgation des informations demandées. Mais il ajoute immédiatement que cela lui est juridiquement impossible. “Les textes sont clairs et ne permettent pas de diffuser ces informations”, insiste-t-il auprès du Lanceur. “Pendant six mois, ils n’ont donné aucune réponse et là ils nous disent “oui mais non””, fulmine de son côté Marc Arazi. La première page du courrier faisait pourtant naître un espoir…
… déçu dès les premiers mots de la suivante :
“Si l’ANFR peut désormais publier des sanctions administratives en cas de non-conformité des équipements radioélectriques, les informations et documents recueillis dans le cadre de l’exercice du pouvoir d’en prononcer ne peuvent être communiqués à un tiers”, explique le courrier, s’appuyant sur l’article L.43 du Code des postes et des communications électroniques.
“Armada juridique”
L’ANFR justifie encore son refus par sa volonté de ne pas entraver d’éventuelles procédures de recherche d’infractions dans le futur par la publication de cette fameuse liste. “C’est un principe général qui s’apparente au secret d’instruction, traduit Gilles Brégant, comme pour la répression des fraudes.” “L’armada juridique se met en place pour qu’on ne nous communique pas les éléments, déplore de son côté Marc Arazi, qui reproche aussi à l’Anses d’être restée sourde à ses demandes. Quant à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a commandé un premier rapport en 2011, Marc Arazi regrette qu’elle n’ait pas mené “les investigations nécessaires pour faire toute la lumière sur ce “Phonegate” qui fait écho au récent “Dieselgate” de Volkswagen”.
Dans l’obligation de saisir le tribunal administratif compétent pour obtenir leur communication”
“Au regard de l’importance des enjeux de santé publique” et pour dénoncer une “opacité assumée”, Marc Arazi va poursuivre son combat et saisir le tribunal administratif. Si les deux lanceurs d’alerte savent que “ce genre de procédure peut durer”, ils comptent utiliser ce temps de latence pour sensibiliser les utilisateurs. Ils rappellent ainsi que les émissions des téléphones ne sont pas limitées au moment où ils sont en communication.
“Les gens ne perçoivent pas le risque du DAS corps. On se dit que, quand on ne téléphone pas, ça va. Or, même quand il n’est pas en utilisation, il y a un risque, car le téléphone rayonne pour se connecter aux antennes-relais, nous explique Marc Arazi. Il faut faire de la pédagogie là-dessus. Le rôle du lanceur d’alerte est aussi d’expliquer. En tant que médecin, mon objectif est la protection de la santé.”