Seule en procès face à la plus grande firme d’agroalimentaire après avoir été licenciée de son poste d’assistante-vice-présidente responsable de la sécurité alimentaire, Yasmine Motarjemi a interpellé le nouveau pdg de la multinationale quelques jours avant la tenue de l’assemblée générale des actionnaires de Nestlé.
L’ancienne cadre supérieure de l’Organisation mondiale de la santé n’en est pas à sa première lettre d’alerte à la direction du géant Nestlé pour évoquer la dissociation entre le discours du groupe et la réalité de ses pratiques. Un nouveau cri du cœur adressé cette fois à l’Allemand Ulf Marc Schneider, nouveau PDG de Nestlé qui vient prendre la relève après une direction assurée pendant douze ans par Peter Brabeck-Letmathe. Lorsqu’elle était en poste chez Nestlé, Yasmine Motarjemi avait notamment alerté en interne pour que soient pris en compte les risques d’étouffement de bébés par des biscuits vendus par la firme ou étudiés les additifs alimentaires, notamment les colorants utilisés par l’entreprise. Des études ou des remarques ignorées par sa hiérarchie et qui l’ont conduite, après avoir été placardisée, à saisir la justice.
En mars 2011, après une carrière de dix ans au sein du groupe comme responsable de la sécurité alimentaire au niveau mondial, Yasmine Motarjemi dépose plainte auprès de la cour de justice de Lausanne pour harcèlement. “La direction précédente de Nestlé a manqué aux principes élémentaires de la morale et de la décence en plus de la violation des pratiques de base d’une bonne gestion dans un domaine aussi important que la sécurité alimentaire, écrit-elle. Par-dessus tout, elle continue à défendre ses comportements méprisables avec des justifications encore plus odieuses.”
Les exemples pris par la scientifique ne manquent pas, elle cite notamment le “comble” atteint par Paul Bulcke, ex-PDG du groupe, toujours membre du conseil d’administration, lorsqu’il a expliqué que, de manière générale, “Nestlé cumule les problèmes avant d’intervenir, que cela prend du temps”.
Mon cas montre que le système d’alerte interne de Nestlé ne fonctionne pas”
Si son alerte tend à ce que le nouveau PDG considère deux problèmes majeurs de santé publique – le harcèlement psychologique des employés et la gestion de la sécurité alimentaire des produits Nestlé –, Yasmine Motarjemi a peu d’espoir sur la portée de son message : “Je sentais le besoin d’écrire cette lettre car, même si je n’attends plus rien de cette entreprise, j’ai senti que je devais donner l’occasion au nouveau PDG d’être informé.” Avant de rejoindre Nestlé, ce nouveau PDG a été plusieurs années à la tête de Fresenius, une société européenne de soins de santé basée en Allemagne et cotée en Bourse, qui fournit des produits et des services pour la dialyse, les hôpitaux ainsi que les soins médicaux pour patients hospitalisés et ambulatoires.
“Mon histoire n’appartient pas au passé tant que les personnes impliquées sont en place et que l’entreprise n’a pas cherché à comprendre quelles étaient les fautes commises. Quelque part, Nestlé doit se nettoyer, se demander quelles sont ses valeurs, ses pratiques et ce qui est acceptable. La politique alimentaire mondiale est influencée par l’opinion d’une telle entreprise et, si le système d’autocontrôle de Nestlé, le conseil d’administration, ne prend pas en compte les alertes au sein de l’entreprise, cela met en danger ses consommateurs.” Yasmine Motarjemi est encore opposée à la firme devant les tribunaux suisses ; la décision finale quant à son procès, entamé il y a plusieurs années, ne devrait pas intervenir avant deux ans.
Lettre de Yasmine Motarjemi à M.Schneider by Le Lanceur on Scribd