Nos révélations sur la situation de Laurent Wauquiez, en détachement du Conseil d’État depuis 13 ans, nous ont conduits à vérifier la situation d’autres élus issus de cette institution. Et ils ont été nombreux, avant le candidat à la présidence du parti Les Républicains, à profiter des avantages du détachement, pendant de longues années. À droite comme à gauche.
Le détachement a longtemps été la martingale parfaite pour les femmes et les hommes politiques soucieux de s’assurer une retraite confortable. Cette pratique qui permet de cumuler avancement et points de retraite pour un poste laissé vacant par le haut fonctionnaire élu, beaucoup la pensaient révolue. La loi Cahuzac et les révélations sur le cas François Hollande, retraité de la Cour des comptes sans y avoir mis les pieds ces trente dernières années, auraient en effet dû sonner le glas de cette pratique, “qui peut apparaître, à juste titre, comme un privilège”, estime Georges Fenech, ex-député du Rhône et soutien de Laurent Wauquiez.
Valérie Pécresse, mise en conformité… 13 ans après
Au rang des présidents de conseil régional, Valérie Pécresse, qui occupait également le poste de maître des requêtes au Conseil d’État, s’est alignée sur la loi Cahuzac concernant les parlementaires et les ministres en démissionnant de la fonction publique en 2015. Une décision qui intervient néanmoins après treize années passées dans la position de détachement de son poste de maître des requêtes au Conseil d’État.
Comme de nombreux internautes, soutiens ou non de Laurent Wauquiez, l’ont fait observer suite à notre enquête, la position de détachement du candidat à la présidence du parti Les Républicains n’est donc pas inédite. Au contraire, elle fut longtemps très répandue chez les politiques de tous bords, de Laurent Fabius à Jacques Chirac, en passant par François Hollande ou Valérie Pécresse donc. Dans les années 2010, plusieurs élus, encore en poste aujourd’hui, ont perpétué cette pratique.
Aubry et Touraine, ministres détachées
Conseillère d’Etat et maire de Lille depuis 2001, Martine Aubry a été en position de détachement pendant au moins dix-huit ans avant de faire valoir ses droits à la retraite en 2014. Ministre dans les années 1990, elle a enchaîné périodes de disponibilité et de détachement, avant de rester dans cette position de 2001 à 2014. Conseillère d’Etat également, Marisol Touraine est restée détachée de ce poste pendant plus de douze ans sur différentes périodes, entre 1997 et 2014, alors qu’elle était députée ou ministre. Elle a été réintégrée au Conseil d’État en octobre 2014.
Édouard Philippe, habile jongleur
Aujourd’hui Premier ministre, Edouard Philippe, maître des requêtes, a su habilement jongler avec les périodes de disponibilité et de détachement pour conserver une place au chaud au Conseil d’État. Il cumule au total plus de huit années passées en détachement, dont cinq alors qu’il était élu. Le chef du gouvernement a été placé en détachement lors de son passage chez Areva entre 2007 et 2010 mais aussi lorsqu’il était maire du Havre (2010-2011) et député (2012-2017).
Charles de La Verpillière, ex-député de l’Ain, est resté en position de détachement du Conseil d’État de 2007 à 2017. Le cas se présente aussi pour Henri Plagnol, sur une période de douze ans, durant laquelle il fut député du Val-de-Marne et secrétaire d’Etat, et, plus récemment, pour Guillaume Larrivé, député de l’Yonne en détachement de 2012 à 2013 et de 2014 à 2017. “Environ un tiers des membres du Conseil d’État [soit une centaine, NdlR] sont détachés, mais parmi eux il y a très peu d’élus”, a commenté le vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, le 19 septembre à Lyon.