Protection des lanceurs d’alerte comme enjeu démocratique, rôle des médias ou passage à l’action. Pour la Nuit des idées, le Mucem de Marseille accueille un Forum des lanceurs d’alerte, une première dans la cité.
Débattre dans les lieux de culture à travers le monde. Avec un thème tel que “L’imagination au pouvoir”, la Nuit des Idées ne fera pas l’impasse sur la parole portée par les lanceurs d’alerte. Sous l’impulsion du collectif “Marseille en commun“, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) organise ce jeudi 25 janvier un forum de lanceurs d’alerte pour explorer la question de la démocratie.
Inspiré par le travail du Salon du livre et de l’alerte à Paris auquel il a participé aux côtés de Daniel Ibanez, le militant écologiste et docteur en droit public Sébastien Barles veut porter la cause des lanceurs d’alerte au cœur de la cité phocéenne : “L’idée est de faire une édition marseillaise aussi axée sur l’autre rive de la Méditerranée, avec notamment la présence de la plateforme des lanceurs d’alerte en Afrique, les questions de la Françafrique, mais aussi la dimension européenne avec l’initiative de fédération portée par le lanceur d’alerte italien Enrico Ceci”.
Comme posé sur la mer face au Vieux-Port, le Mucem fera également résonner le thème de la protection de l’environnement avec la présence du géographe et lanceur d’alerte sur les boues rouges Olivier Dubuquoy, qui œuvre avec son association à donner un statut officiel aux océans pour mieux les protéger. Seront également présents Karim B, à l’origine d’une vidéo dénonçant un déversement de produits toxiques sur le site ArcelorMittal de Florange, ainsi que Barbara Allen, directrice scientifique d’une étude sur l’impact de la pollution industrielle sur la santé des habitants de Fos-sur-Mer et de Port-Louis-du-Rhône.
D’Edward Snowden aux rapports aux médias et à la justice
En duplex, le lanceur d’alerte américain qui a révélé les détails des programmes de surveillance de masse de la NSA actuellement réfugié en Russie, Edward Snowden, participera à la table ronde “Alerter pour agir”, tandis que le film sur cet ex-employé de la CIA réalisé par Flore Vasseur sera projeté en continu entre 18h et minuit. Révélé en collaboration avec des journalistes du Guardian et du Washington Post, ce scandale planétaire annonçait les prémices de la question de l’anonymat des lanceurs d’alerte et de leur relation avec les médias. Une table ronde consacrée au “bon rôle des médias dans l’alerte”, avec la participation du rédacteur en chef du Lanceur.fr, d’Olivier-Jourdan Roulot, de journalistes de Marsactu, de Reporterre ou de Mediapart, s’attellera à répondre aux questions relatives à la protection des sources, au secret des affaires et à la liberté de la presse.
Au-delà de lanceurs d’alerte à la renommée internationale et du rapport aux médias, l’événement ne “veut pas réduire la question des lanceurs d’alerte à leur définition légale, celle d’une personne qui, dans le cadre de son travail, constate un dysfonctionnement contraire à l’intérêt général, précise Sébastien Barles. Nous avons également invité des personnalités qui sont peut-être plus proches de la désobéissance civile, comme le chercheur au CNRS Pierre-Alain Mannoni, qui a subi des procès pour “délit de solidarité” après avoir convoyé dans sa voiture trois Érythréennes dont une mineure. Un acte qu’il considérait d’abord comme humain : celui de transporter des personnes en détresse”.
Une définition légale qui sera détaillée lors de la troisième table ronde : “La protection juridique des lanceurs d’alerte. État des lieux et revendications”. L’occasion d’un débat sur la loi Sapin II, loin de faire l’unanimité parmi les lanceurs d’alerte. Pour en parler, la lanceuse d’alerte et responsable de l’alerte éthique de Transparency International, Nicole-Marie Meyer, mais aussi Glen Millot, coordinateur de Sciences citoyennes, ou la députée européenne PRG Virginie Rozière, auteure d’un rapport au Parlement européen qui vise à assurer la protection des lanceurs d’alerte et à aller plus loin que la loi française, notamment sur la question du rapport aux journalistes.
Alertes anonymes et gangrène du clientélisme
Coorganisée par le collectif Marseille en commun, créé il y a un an et demi, la soirée vise aussi à intégrer la dimension locale. “Pendant toute la soirée, nous organisons des sessions pour des personnes qui souhaiteraient rester anonymes, mais qui, malgré tout, veulent témoigner d’un dysfonctionnement” explique Sébastien Barles, indiquant que certaines personnes inscrites travaillent par exemple dans des hôpitaux publics de Marseille. Par groupe de 10 et en session d’une heure, elles seront accompagnées pour “envisager des modes d’action appropriés” à leur alerte*.
Sébastien Barles, ex-conseiller municipal EELV de Marseille et assistant parlementaire de l’eurodéputée Michèle Rivasi, déplore une cité phocéenne “gangrenée par le clientélisme et l’affairisme”. Parmi les objectifs du collectif qu’il anime : l’ambition de créer une maison de l’alerte à Marseille, en commençant dans un premier temps par mettre en place des permanences juridiques et une assistance psychologique. “Il y a une réelle omerta, notamment dans la gestion des grands services publics, mais aussi la question des promoteurs immobiliers et la collusion qu’il peut y avoir entre le public et le privé” illustre-t-il, en évoquant notamment le programme de rénovation urbaine Euromed II.
Seront aussi présents au Forum : Raymond Avrillier, lanceur d’alerte de la gestion de l’eau à Grenoble, Jean-Luc Touly, ex-salarié de Veolia et animateur Front Républicain d’Intervention contre la corruption (FRICC), Fabrice Rizzoli, président fondateur de Crim’Halt, Martin Pigeon, chercheur à l’observatoire européen des lobbys, Thomas Dietrich, ex-secrétaire général démissionnaire de la Conférence Nationale de Santé, Éric Alt, vice-président de l’association Anticor, ou la députée européenne EELV Michèle Rivasi.