Les désormais traditionnels prix éthiques et casseroles remis par Anticor comptent une nouvelle catégorie. Cette année, l’association de lutte contre la corruption pointe du doigt le pantouflage.
La première “pantoufle” de l’histoire d’Anticor a été remise à l’ancienne ministre de la Culture Fleur Pellerin. À la maison de l’Amérique latine, ce vendredi soir, l’association de lutte contre la corruption n’a pas seulement remis des casseroles et des prix éthiques. “Cette année, nous avons même été obligés de créer une nouvelle catégorie, la Pantoufle, tant certains se sont illustrés dans le pantouflage, vocable qui peut paraître inoffensif, mais qui peut parfois déboucher sur une prise illégale d’intérêts”, a déclaré le président de l’association, Jean-Christophe Picard. Fleur Pellerin a ainsi été distinguée pour ne pas avoir fait grand cas des remarques de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) à propos de sa reconversion dans le privé. Alors qu’elle avait projeté un partenariat en tant que ministre avec le géant du Web sud-coréen Naver Corp, la nouvelle patronne de la société d’investissement Korelya Consulting a géré pour ses activités privées un fonds intégralement doté par ce dernier.
Procédures-baillons, “loi scélérate” et affaire Benalla
Mis en examen pour corruption dans l’affaire des ports africains, l’homme d’affaires Vincent Bolloré s’est vu remettre l’une des trois casseroles d’Anticor pour l’année 2018. L’association a voulu pointer “son goût immodéré pour les procédures-baillons révélant une intolérance pathologique à la critique”. Film documentaire, livre-enquête ou articles de presse sur les affaires de Vincent Bolloré ont quasi systématiquement fait l’objet de poursuites en diffamation de la part de l’industriel cette année.
Le député LREM Raphaël Gauvain s’est aussi vu décerner une casserole “pour avoir été rapporteur de la loi scélérate sur le secret des affaires”. “En défendant une transposition servile de la directive, il a fait de l’opacité la règle et de la transparence l’exception”, déplore l’association. Déjà lors des débats autour de la loi, Lyon Capitale rappelait la carrière de cet ancien avocat d’affaires, plus connu pour avoir été du côté de Goliath que de David en défendant notamment une entreprise contre des victimes de l’amiante ou une société poursuivie pour corruption dans une affaire de marché public de l’eau. Les anciens avocats reconvertis en députés sous l’étiquette LREM ont du pain sur la planche : Yaël Braun-Pivet reçoit ainsi la dernière casserole “pour avoir été la figure emblématique du parlementarisme godillot”. “Présidente de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla, dont l’échec est à mettre à son crédit, elle a fait preuve de pusillanimité et aussi de désinvolture face aux parjures”, souligne Anticor.
Un prix éthique pour le lanceur d’alerte Karim Ben Ali
Pour mettre en avant les comportements vertueux de lanceurs d’alerte, journalistes et universitaires, six prix éthiques ont été remis lors de cette soirée. Karim Ben Ali a ainsi été primé pour avoir “lancé l’alerte sur le déversement de produits polluants d’ArcelorMittal” et avoir fait “primer son devoir constitutionnel de prévenir les atteintes à l’environnement sur son intérêt propre”. Plusieurs élus de l’île de Beauté – les maires de Centuri, David Burgioni, et de Linguizzetta, Severin Medori – ont également été récompensés pour “la défense d’une culture de la probité, de la légalité et de l’intégrité dans leurs communes”.
Les journalistes Martine Orange (Mediapart) et Camille Polloni (Les Jours) ont reçu un prix pour leurs travaux respectifs : la révélation de conflits d’intérêts pour l’une à travers les dossiers Alstom et Kohler, le suivi des enjeux financiers des principales affaires et la mise en place d’un Magouillotron pour l’autre. Enfin, les universitaires Sophie Lemaître et Julia Cagé ont été distinguées pour leur pierre apportée à l’édifice. Sophie Lemaître pour sa thèse sur le droit à l’épreuve des flux financiers et Julia Cagé pour ses propositions ambitieuses sur le financement de la vie politique et l’élection des parlementaires dans son ouvrage Le Prix de la démocratie.