Condamnée à une amende avec sursis pour avoir divulgué en 2013 des échanges mails devant prouver la connivence entre l’entreprise Tefal et sa hiérarchie, l’inspectrice du travail Laura Pfeiffer va être rejugée par la cour d’appel de Lyon, ce jeudi 12 septembre. La cour de cassation avait cassé sa condamnation pour permettre que la loi Sapin 2, censée protéger les lanceur d’alertes, soit prise en compte dans le jugement.
Après six ans d’une procédure qui est déjà allée jusqu’en cassation, la cour d’appel de Lyon s’apprête à statuer une nouvelle fois sur l’affaire Tefal. Laura Pfeiffer, l’inspectrice du travail qui avait lancé l’alerte – après un contrôle dans l’usine de Rumilly, en Haute-Savoie – sur la connivence supposée entre son supérieur hiérarchique et la firme française, ainsi que sur les pressions exercées par sa hiérarchie, prendra une nouvelle fois place sur le banc des accusé. Tefal lui reproche toujours d’avoir dévoilé des échanges mail internes, transmis par un employé de la firme, pour prouver ses accusations. Mails qui peuvent laisser penser que le supérieur de Laura Pfeiffer se trouverait dans une relation de connivence avec Tefal. Et que l’entreprise aurait cherché à obtenir la mutation de l’inspectrice après son inspection de janvier 2013.
Mails compromettant ?
Laura Pfeiffer était intervenue dans l’usine de Rumilly à la demande des syndicats. Après sa visite, elle avait contesté l’accord sur les 35 heures de la firme, et demandé sa renégociation. S’en était suivi un entretien houleux entre l’inspectrice et son supérieur hiérarchique. Ce dernier lui aurait alors demandé de se montrer plus conciliante avec Tefal. “Suivant une procédure prévue en cas d’atteinte à son indépendance, notre collègue avait alors, fin 2013, dénoncé auprès du Conseil National de l’Inspection du Travail (CNIT), les pressions de TEFAL et du MEDEF local, relayées par l’administration, et exercées sur elle pour faire obstacle à ses contrôles, rappellent aujourd’hui les syndicats. Dès juillet 2014, le CNIT a reconnu l’existence de pressions et une défaillance du ministère du travail.”
“Manquement inexcusable”
Mais la situation s’est retournée contre la lanceuse d’alerte, Tefal lui reprochant d’avoir étayé ces accusations par des échanges électroniques internes à la firme, qui lui avaient été transmis par un employé. Une procédure était ouverte par le parquet d’Annecy, qui se soldait par la condamnation de Laura Pfeiffer à 3500 euros d’amende avec sursis pour violation du secret professionnel et recel de documents confidentiels par le tribunal de Chambéry, en décembre 2015. Sanction confirmée, le 16 novembre 2016, par la cour d’appel de la préfecture savoyarde, qui s’était montré très dur contre l’inspectrice, évoquant “un manquement volontaire et inexcusable à ses obligations déontologiques”. “En divulguant des informations dont elle n’ignorait pas l’origine frauduleuse, hors du cadre de sa mission et pour satisfaire des intérêts personnels [afin de] donner force et crédit à son ressenti envers son directeur, par une voie non contradictoire, elle a agi en opposition aux valeurs des fonctions d’inspecteur du travail”, avait motivé la cour.
Sapin 2 comme planche de salut
Or, quelques jours avant, venait d’être adoptée la loi Sapin 2, censée protéger les lanceurs d’alerte. Un calendrier salvateur pour l’inspectrice, qui se pourvoie en cassation. Le droit français intégrant la rétroactivité d’une loi plus douce pour le justiciable, la plus haute instance pénale lui donne raison et décide, en octobre 2018 de casser le jugement, pour permettre à Laura Pfeiffer d’être jugée à l’aune de la loi Sapin 2. Ce texte définit le statut de lanceur d’alerte comme une “personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance”.
La cour d’appel de Lyon est donc appelée à juger de nouveau l’affaire sur le fond. Avec un triple enjeu pour les syndicats, qui soutiennent l’inspectrice : “l’atteinte à l’indépendance de l’inspection du travail, l’exercice du droit syndical, le statut protecteur des lanceurs et lanceuses d’alerte”. L’audience se tiendra à partir de 13h30 aux 24 colonnes.