La Cour des comptes a sévèrement recadré l’État dans le rôle joué par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. “Opérateur sans feuille de route ni marge de manœuvre”, c’est surtout, selon les Sages, un moyen pour l’État de “s’affranchir des principes du droit budgétaire”.
L’Etat a les yeux plus gros que le ventre, pour la Cour des comptes, qui s’est penchée sur le fonctionnement de l’Agence de financement des infrastructures de transport en France (AFITF). Un constat sans concession, où l’agence est qualifiée de “coquille vide” et d’“instrument contournant les règles du droit budgétaire”, qui ne serait en outre pas assez solide financièrement pour assumer les grands projets mis en route, comme le tunnel ferroviaire Lyon-Turin ou le canal Seine-Nord.
Même s’il reconnaît que ces interrogations sont “légitimes”, Manuel Valls défend le bilan de l’organisme ainsi que son fonctionnement.
Des règles budgétaires bafouées
Créée en 2004, l’AFITF est un établissement public qui a pour objectif de gérer les investissements en matière d’infrastructures de transport et de garantir une vision à long terme, indépendante des arbitrages budgétaires qui ont cours chaque année.
La Cour des comptes décrit une réalité bien différente. Ce ne serait ainsi qu’une “coquille vide”, une simple chambre d’enregistrement de décisions émanant du ministère des Transports. Un seul chiffre pour s’en convaincre : “À ce jour, aucun administrateur n’a émis un vote négatif sur une seule des quelque 600 conventions proposées à l’approbation du conseil au cours des dix dernières années.” De quoi relativiser le “lieu de débat et de partage entre l’Etat et les représentants des collectivités locales sur la politique des transports” décrit par le Premier ministre.
Si, comme le relève Manuel Valls, “la sélection des projets en fonction de leur utilité et de leur rentabilité socioéconomique ne relève pas de l’AFITF”, son rôle serait tout autre, explique la Cour des comptes. L’établissement serait surtout un “moyen de s’affranchir des principes du droit budgétaire”. Près des deux tiers des ressources de cet organisme terminent en effet dans les caisses du ministère des Transports pour mettre en œuvre les projets. Une pratique qui, selon les Sages, est contraire au principe d’unité budgétaire de l’Etat et à la règle de non-affectation des recettes aux dépenses. Surtout, il s’agit là d’une ressource du ministère qui n’est pas soumise à l’autorisation parlementaire à travers la loi de finances.
Pourvoyeur de chèques en blanc
La Cour pointe également l’absence de vision à long terme : “Le financement pluriannuel des infrastructures de transport ne fait jusqu’à présent l’objet d’aucune programmation.” D’où une différence entre les engagements pris par l’établissement à un moment donné et les moyens réels dont elle dispose, votés chaque année. Une différence renforcée par l’abandon de l’écotaxe poids lourds, dont les recettes devaient venir alimenter ses caisses.
Cette situation financière précaire s’explique par “une accumulation incontrôlée de besoins de paiement, dont le financement n’est pas assuré à moyen terme”. Fin 2015, le montant des restes à payer de l’AFITF était de 11,86 milliards d’euros. Et la tendance n’est pas à l’amélioration avec les grands projets prévus, comme le tunnel ferroviaire Lyon-Turin ou le canal Seine-Nord, deux infrastructures qui “paraissent largement hors de portée budgétaire de l’agence”. Pour la Cour des comptes, il est nécessaire de “définir des priorités de projets à venir”. Des chiffres qui “méritent d’être fortement nuancés”, précise le Premier ministre.
En 2009, déjà, la Cour faisait ce constat et réclamait la suppression de cet organisme, sans être entendue par le Gouvernement de l’époque. Cette fois, elle réclame un changement radical dans son mode de fonctionnement et préconise de “réduire considérablement les engagements nouveaux”. Alors que Manuel Valls vante l’AFITF, qui “a développé une expertise reconnue de connaissance et de synthèse des projets d’infrastructure de transports, ainsi que de leur financement”, difficile de penser que les Sages vont être entendus.