Réputé bien plus strict que l’hémicycle français au niveau de sa réglementation sur l’emploi des attachés parlementaires par les eurodéputés, le parlement européen est pourtant le lieu où les soupçons d’emploi fictifs sur les élus français se font de plus en plus pesants, sans qu’aucune enquête ne soit encore terminée.
Sur les 74 eurodéputés français, la liste de ceux visés par une enquête basée sur des soupçons d’emploi fictif s’allonge. Alors que des enquêtes sont en cours concernant les attachés parlementaires du Front National, dont plusieurs sont soupçonnés d’avoir été rémunérés par le parlement européen, mais d’avoir en réalité travaillé pour leur parti depuis la France, l’eurodéputée frontiste Sophie Montel contre-attaque. Sa transmission à la justice d’une liste de 18 eurodéputés français a entraîné l’ouverture d’une enquête préliminaire par le parquet de Paris pour “abus de confiance” sur des soupçons d’emploi fictifs relatifs à leurs assistants parlementaires. “Sophie Montel a fait quelque chose d’extrêmement simple : elle a tapé sur internet les noms des assistants parlementaires pour relever toutes leurs responsabilités, qu’elles soient associatives, politiques ou électives passées ou présentes pour en faire un dossier et le transmettre au juge d’instruction” détaille Édouard Ferrand, vice-président du groupe Front National au parlement européen. “Elle n’a rien fait d’illégal, mais a simplement montré à la justice que certaines personnes cumulent tout un tas d’activités en dehors de leur poste de collaborateur. Sont-ils pour autant des emplois fictifs ? Il semble en tout cas que les juges aient approfondi cet envoi et se soient aperçus d’incompatibilité des fonctions pour un certain nombre de profils” poursuit-il.
Des annonces de plaintes pour “dénonciation calomnieuse”
Parmi cette liste figure Marielle de Sarnez, fraîchement nommée ministre des Affaires européennes et qui a annoncé dans la foulée qu’elle porterait plainte pour “dénonciation calomnieuse”. Pourtant, aucune plainte n’avait suivi la sortie du livre de Corinne Lepage “Les mains propres”, dans lequel cette dernière écrivait que pendant cinq ans, la secrétaire particulière de François Bayrou avait été payée sur fonds européens grâce à l’enveloppe parlementaire de Marielle de Sarnez. “Elle a sans doute dû, entre temps, séparer l’activité au niveau du MoDeM et l’activité de son assistance parlementaire” glisse-t-on du côté de Bruxelles. L’eurodéputée PS-PRG Virginie Rozière, également visée par l’enquête préliminaire, a elle aussi fait savoir qu’elle porterait plainte pour “dénonciation calomnieuse”, dénonçant une manipulation du FN pour détourner l’attention de leurs propres affaires. Si l’eurodéputée EELV, Michèle Rivasi, ne juge pas nécessaire de porter plainte, elle estime également qu’il s’agit d’un “écran de fumée”. “Comme ils sont attaqués de façon féroce avec des procédures judiciaires, ils essayent de mettre le doute sur les autres députés” explique-t-elle, précisant que les assistants parlementaires peuvent travailler à mi-temps pour un parti politique si la démarche est déclarée et acceptée par le parlement européen, comme ce serait le cas pour l’écologiste Yannick Jadot, lui aussi visé dans le cadre de l’enquête préliminaire du parquet de Paris. Sept élus Les Républicains figurent également dans la liste : Brice Hortefeux, Michèle Alliot-Marie, Jérôme Lavrilleux, Marc Joulaud, Tokia Saifi, Angélique Delahaye et Constance Le Grip. Au centre, les soupçons pèseraient également sur Jean Arthuis, Robert Rochefort et Dominique Riquet. Enfin à gauche, il s’agirait d’Édouard Martin, Emmanuel Maurel, Jean-Louis Cotigny Christine Revault d’Allones et Patrick Le Hyaric (PRG).
Une “attaque politique suivie d’un racket financier”
Pour comprendre la trame de ces affaires, il faudrait reprendre le point de départ, qui est, selon le vice-président du groupe FN au parlement, du fait de l’ex-président socialiste du parlement européen, Martin Schulz. “Le président du parlement européen n’a jamais cherché à savoir ce qu’il se passait ailleurs. Et tandis que nous n’avons ni été condamné, ni été blanchi dans cette affaire, il nous a violemment attaqués en demandant des remboursements de plusieurs millions de ce qu’il a considéré comme étant des emplois fictifs alors que l’instruction n’était pas et n’est toujours pas clause. Donc c’est d’abord une attaque politique, suivie d’un racket financier” lâche-t-il. Édouard Ferrand assure également avoir déposé plainte en 2015 contre Martin Schulz et son assistante sur des soupçons d’emploi fictif, une affaire qui n’aurait toujours pas été instruite. Si les accusations d’emploi fictif semblent particulièrement fuser en période de campagne électorale, seules les conclusions de la justice pourront déterminer ce qui est de l’ordre du détournement de fonds, de l’abus de confiance, ou plus prosaïquement, de l’attaque politique.