Invité ce matin sur Europe 1 dans l’émission de Jean-Marc Morandini, Le grand direct des médias, Michel Boyon, futur ex-président du Conseil supérieur de l’audiovisuel -il quittera ses fonctions ce soir à minuit- a dressé son propre son bilan. Forcément dithyrambique. Mieux qu’une exégèse, voici les meilleures répliques de cette pantalonnade, digne de la commedia dell’arte et nettement plus drôle qu’une série B sur Numéro 23, pour qui connaît les dessous du CSA, institution fantoche qui fait comme si elle avait du pouvoir, alors que toutes les décisions importantes sont prises à l’Élysée. Pourtant, tout le monde –journalistes et hommes politiques en tête- continue de faire semblant. Y compris François Hollande, qui, en dépit de ses effets de manche, a nommé au CSA l’ancien directeur de cabinet de Jospin à Matignon… pour succéder à l’ancien directeur de cabinet de Raffarin à Matignon.
Jean-Marc Morandini : Vous avez le sentiment d’avoir assumé pleinement et parfaitement vos fonctions ?
Michel Boyon : Alors la réponse est oui, et je vais en donner deux exemples. Le premier c’est que j’ai soigneusement relu ces dernières semaines tout ce que j’avais pu dire, notamment au micro d’Europe 1. Et tout ce que j’ai dit ou que j’avais promis a été fait ou entrepris. (…) Et puis deuxièmement, quand on regarde les choix du CSA, ses initiatives, ses décisions, elles n’ont pas été tellement critiquées pendant ces six années.
JMM : Ca a été efficace votre action ?
MB : On a essayé de travailler dans l’intérêt du public, dans l’intérêt de l’auditeur de radio, dans l’intérêt du téléspectateur. C’est ça qui est au cœur de notre mission. En même temps, on l’a fait en prenant en compte la dimension économique grandissante du secteur audiovisuel, ce sont des chaînes qui ont besoin de parvenir, ou de maintenir, l’équilibre financier. Et puis nous avons été très attachés au respect de grandes valeurs, qui sont le socle de notre République.
JMM : Michel Boyon, vous allez quitter le CSA, vous pouvez nous le dire maintenant : vous manquez de pouvoir au CSA !
MB : Je ne comprends pas pourquoi de temps en temps il y a des gens qui disent ça et comment un commentateur aussi aiguisé que vous peut-il le dire… Alors, c’est peut-être ce qui circule au bureau de la direction d’Europe 1…
JMM : Non, c’est moi qui vous le dis.
MB : Alors quels seraient les pouvoirs qui nous manqueraient ?
JMM : Pour sanctionner les chaînes par exemple. On a le sentiment que quand les chaînes dérapent un peu parfois, vous tapez à peine du poing sur la table, il n’y a pas de vraies sanctions.
MB : Il peut y avoir des sanctions financières qui sont quand même lourdes.
JMM : Vous en avez donné beaucoup pendant ces six ans ?
MB : Non, et nous en sommes très fiers. Parce que c’est précisément le dialogue avec les chaînes qui permet d’éviter que les dérapages ou les manquements ne soient trop graves. Le CSA est une maison ouverte, il est ouvert sur l’extérieur. Tous les jours il y a des dizaines de réunions, de rencontres, de coups de fil entre le CSA et les chaînes de radio ou de télé. Et c’est ça qui permet au système de fonctionner, sans qu’on ait à manier le gourdin, parce que ce n’est vraiment pas notre philosophie.
JMM : Il faut remanier le CSA ? Réformer le CSA ? Changer le CSA ?
MB : Je ne vois pas pourquoi. (…) En revanche il y a une vraie question qui se pose, que le président de la République a soulevé pendant la campagne, et sur laquelle un processus a été engagé par le Premier ministre, c’est la question d’un rapprochement de la régulation de l’audiovisuel et de la régulation des télécoms, c’est-à-dire concrètement un rapprochement entre le CSA et l’ARCEP, les deux institutions de régulation. Moi je milite pour ce rapprochement, je milite depuis le mois de juin. Sitôt passées les élections législatives, dans un colloque public, j’ai dit : « Profitons de ce qu’une loi se profile à l’horizon pour y réfléchir, la France a besoin d’avoir des institutions de régulation qui soient dignes de l’année 2013 ! »
JMM : Vous pensez quoi de votre successeur ?
MB : Je l’ai dit je le répète, je lui fais toute confiance. C’est quelqu’un qui a un sens de l’Etat et un sens de l’intérêt général très prononcé.
JMM : Il est là en sursis ?
MB : Pourquoi en sursis ?
JMM : J’ai entendu la ministre qui disait qu’en fait il était là juste de façon provisoire, en attendant une réforme.
MB : Je vais vous faire un aveu, je n’ai pas tout à fait compris cette phrase.
JMM : Quelle est la chose dont vous êtes le plus fier pendant ces six années au CSA ?
MB : Le plus fier… Je vais avoir du mal à hiérarchiser. Je vais vous en donner une ou deux quand même. C’est d’abord la TNT, ça c’est un beau succès, parce qu’on a généralisé la TNT à l’ensemble du pays, en métropole, outre mer. Et on l’a fait dans des conditions qui ont été, non pas parfaites, mais presque parfaites, et maintenant tout est en place, et la France est vraiment rentrée de ce point de vue, dans la télévision moderne.
JMM : Est-ce qu’il n’y a pas quand même un regret pendant ces années, concernant la TNT, de voir qu’il y a eu assez peu de nouveaux groupes entrant finalement dans l’univers de la télévision ?
MB : Alors ça ce n’est sûrement pas un regret parce que je crois que le contexte est complètement différent de l’époque où on a commencé à penser à la TNT. Il y a des gens, je n’en étais pas, qui disaient, « cela va permettre d’avoir plein de groupes audiovisuels ».Nous avons besoin de groupes audiovisuels français qui soient forts. Ce ne sont pas des nains à l’échelle européenne, mais ils sont quand même de petite taille par rapport aux Murdoch, Bertelsmann, Mediaset de Berlusconi, etc., donc il faut qu’on ait des groupes forts, des groupes privés forts, un groupe audiovisuel public fort et pour cela il ne faut pas émietter. Alors il est toujours très précieux d’avoir quelques personnes qui ont des dimensions plus modestes, parce que ce sont des gens plus réactifs, plus innovants, mais on a besoin de groupes forts. Pas d’émiettement.
JMM : Vous avez subi le plus de pression de la part des politiques ou de la part des groupes média ?
MB : De la part des politiques aucune pression. Je le répète depuis 6 ans, évidemment personne ne me croit.
JMM : Je vous confirme qu’on ne vous croit pas.
MB : Mais oui, mais cela me navre et cela montre bien dans quel état d’esprit se trouve parfois ce pays. Donc la réponse est : des professionnels, moi je ne les considérais pas comme des pressions mais plutôt comme l’expression de ce qu’ils souhaitaient. Et j’écoute toujours. Après, je décide.
JMM : Il n’y a pas eu d’erreurs ?
MB : Alors des erreurs, non. Ca franchement, je n’en vois pas.
JMM : Le CSA est orienté politiquement ?
MB : Non. On ne parle d’ailleurs jamais politique.
JMM : Mais les nominations sont politiques.
MB : Non, elles sont faites par des autorités politiques, ce n’est pas tout à fait la même chose.
JMM : Vous jouez un peu avec les mots là ?
MB : Non, je ne joue pas avec les mots, et je le sais puisque j’ai été des deux côtés de la barrière. Et on ne parle jamais politique au CSA, et je vous mets au défi de me dire quelle est la décision que nous avons prise dont on pourrait dire : « elle a été inspirée par des considérations politiques », au sens politicien ou politicard du terme.
JMM : Et le fait que les membres du CSA soient nommés par des organismes politiques, c’est une bonne chose ou pas ? Ou il faut réformer ca ?
MB : Ca c’est vraiment au législateur de choisir. (…) Mes camarades étrangers envient le système en disant : « C’est terrible parce que quand le choix est confié au Parlement, il n’y a rien à faire, il y a des partages qui se font entre la majorité et l’opposition. La majorité dit à l’opposition d’accord, je nomme 6 membres, toi tu en nommes 3 mais tu me renvoies l’ascenseur quand c’est moi qui serais dans l’opposition ». (…) Donc cela me fait drôlement réfléchir, et je pense que le système actuel a du bon.
JMM : Le président de France Télévisions nommé par le président de la République, il faut changer ça ?
MB : Je crois que ça va être changé, d’après ce que j’ai compris. Pour moi c’est vraiment une question d’appréciation qui relève de la loi. Je ne me suis pas prononcé lorsqu’il y a eu le changement en 2008. Je ne me prononcerai pas plus.
JMM : Votre mandat est fini, vous pouvez y aller !
MB : Non, parce que je suis respectueux de la souveraineté nationale.