Le cabinet d’avocats mandaté pour représenter les victimes lyonnaises, parisiennes et châlonnaises des centres dentaires low cost Dentexia, doit jongler entre des négociations avec l’assureur de Dentexia (Axa), les organismes de crédit auprès desquels ont été souscrits des emprunts (notamment Franfinance) et les ministères de la santé et de la justice.
« On marche véritablement sur des œufs. » Voilà résumé, pour Le Lanceur, le dossier Dentexia par Céline Moille, avocat associé du cabinet Yellaw, en charge de la défense des 1 800 victimes (déclarées à ce jour) des centres dentaires Dentexia.
L’association Dentexia de type loi 1901, qui proposait dans ses centres des prestations dentaires à bas coût, a été placée en liquidation judiciaire le 4 mars dernier par la première chambre du tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence. L’établissement d’un bilan précis de l’actif et du passif, afin d’estimer si d’éventuelles créances peuvent être récupérées, est en cours d’établissement par le liquidateur. Sans grand espoir au vu des dettes abyssales (22 millions d’euros, annoncés par le mandataire au tribunal).
Deux volets judiciaires ouverts
Il y a d’une part le volet recouvrement des créances des sommes dues et d’autre part le volet de la responsabilité présumée de Pascal Steichen, le businessman touche-à-tout fondateur et ancien président de Dentexia.
Sur la première phase, le conseil du collectif de victimes est en négociation avec les organismes de crédit auprès desquels ont souscrit la plupart des patients de Dentexia (certaines factures dépassent les 15 000 euros). Il y a principalement Cofidis, Odontolease et Franfinance. « Nous sommes actuellement dans des négociations amiables, explique le cabinet d’avocats Yellaw. Nous sommes plutôt confiants, notamment avec la Société générale, dont Franfinance est une filiale : ce n’est pas le moment pour la banque de se refaire une mauvaise presse (NdlR, suite aux révélations des « Panama Papers », la Société générale a été épinglée pour avoir ouvert près de 1 000 sociétés offshore pour le compte de ses clients via le cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca) » Les avocats se donnent jusqu’à fin avril pour mener à bien les négociations (“les créances ne sont plus dues”), date au-delà de laquelle ils attaqueront en justice.
Quant à la seconde phase, c’est le statu quo. Les avocats du collectif de victimes tentent de trouver un terrain d’entente avec ceux de l’assureur de Dentexia, Axa, autour de la nébuleuse imaginée par Pascal Steichen : un système centré autour d’une association loi 1901 autour de laquelle gravitent des sociétés, 100% commerciales, qui facturent aux centres dentaires leurs services (coaching, formation, vente de matériel médical…). En d’autres termes, un montage juridique nébuleux dans lequel s’imbriquent moult sociétés gigognes qui semblent consciencieusement siphonner les centres dentaires.
Des témoignages accablants
Le 1er avril dernier, le Collectif contre Dentexia (plus de 2 000, avec Marseille) et ses avocats ont été reçus au ministère de la Santé. La DGOS (direction générale de l’offre de soins) a principalement mis en place une plateforme téléphonique « non surtaxée » et un dispositif d’accompagnement médico-psychologique.
Des mesurettes qui ne sont pas à la hauteur de l’ampleur du scandale sanitaire qui se profile, dénoncent le Collectif contre Dentexia.
Les 2 038 victimes déclarées au sein du Collectif contre Dentexia, les 5 291 courriels reçus depuis le 7 janvier dernier sur la seule boîte mail du porte-parole, Abdel Aouacheria, les 6 243 courriels envoyés et le millier de coups de téléphone passés attestent de la lourdeur et de la sévérité de l’ « affaire Dentexia ».
“Je pense chaque jour mettre fin à ma vie, ceci est peut-être mon destin.”
Il y a d’abord la détresse sanitaire. Les témoignages que nous avons pu recueillir évoquent quasiment tous les “souffrances” endurées (dents arrachées, greffes osseuses, poses d’implants…). Une patiente va même jusqu’à parler de “véritable boucherie”, accompagnée de “douleurs atroces”. Une autre évoque le “calvaire” qu’elle a vécu avec “l’arrachage de toutes (ses) dents en plusieurs fois donc double, triple et quadruple calvaire avec orgie de sang”. Certaines des victimes ont subi de telles complications que le simple fait de manger est devenu difficile, voire impossible.
À cette détresse sanitaire s’agglomère un désespoir financier. Parmi les témoignages recueillis, le montant moyen des soins tourne autour de 10 000 euros par victime. “Après avoir payé 14 031 euros, toutes mes économies se sont envolées, rapporte une retraitée. Je suis maintenant à la retraite avec 500 euros par mois.” Une autre évoque un remboursement de 200 euros mensuels “alors que Dentexia n’existe plus et que les soins sont restés en plan très tôt”.Il y a aussi ce patient qui a versé 15 500 euros au centre de Châlon et qui est “endettée jusqu’au cou”. Ou encore cet homme qui en appelle au Collectif contre Dentexia, n’ayant “pas de solution” après avoir “mis toutes (ses) économies pour ces implants.”
Et puis, plus grave, il y a quelques patients qui se disent “dépourvu”, “au bout du rouleau”. “Je pense chaque jour mettre fin à ma vie, ceci est peut-être mon destin.”