Un chapitre du projet de loi Égalité et Citoyenneté actuellement à l’étude au Sénat prévoit de durcir les possibilités de défense des journalistes en cas d’accusations de diffamation. Dans un appel, plusieurs sociétés de journalistes ont fait part de leur inquiétude.
« Un projet de loi liberticide, qui met en péril l’un des piliers de la démocratie. » Plusieurs sociétés de journalistes s’alarment de la tournure des débats parlementaires autour du projet de loi Egalité et Citoyenneté, qui est actuellement en débat au Sénat.
Dans ce texte, l’article 37 a pour objectif de faciliter la répression des délits de provocations, de diffamations et d’injures raciales ou discriminatoires.
Premier point de discorde, l’allongement des délais de prescription pour les délits de presse, comme la diffamation. De trois mois aujourd’hui, il pourrait être sensiblement rallongé et courir, pour les publications internet, tant que l’article est en ligne.
Pour la commission spéciale du Sénat, présidée par Jean-Claude Lenoir, sénateur LR de l’Orne, « la difficulté d’identifier l’auteur des faits et de le poursuivre dans les délais de prescription, ainsi que la sphère de diffusion des messages en ligne semblent justifier un traitement différencié pour le délai de prescription des infractions de presse sur Internet ».
Les rapporteurs de ce projet de loi au Sénat, Dominique Estrosi-Sassone et Françoise Gatel, ont ainsi retenu le « caractère continu des infractions commises sur Internet ».
Autre inquiétude soulevée par les sociétés de journalistes, l’ouverture des plaintes en diffamation sur le fondement de la responsabilité civile. « Toute personne, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une entreprise, pourra exiger des dommages et intérêts pour un article qui lui déplaira », s’alarment-ils.
Le journaliste devra « se défendre sans savoir exactement ce qui lui est reproché »
Mais le point le plus problématique restes que le texte qui est en discussion s’apprête à inverser la charge de la qualification des faits reprochés. En d’autres termes, celui qui attaquera une publication pour diffamation n’aura plus la nécessité d’expliciter clairement le passage incriminé et expliquer en quoi il s’agit d’un délit.
Ce sera, à l’inverse, au « journaliste de se défendre sans savoir exactement ce qui lui est reproché », dénoncent les sociétés de journalistes, qui voient là une tentative de suppression d’une « garantie fondamentale des droits de la défense ».
Avec un tel texte, les principales protections des journalistes se trouvent remises en cause. Un article pourrait se retrouver attaqué, sans que ne soit précisé ce qui lui est reproché, dans un délai qui pourrait être imprescriptible et ce, même au civil.
En l’état, ces dispositions pourraient « réduire dangereusement la liberté de la presse », expliquent les sociétés des journalistes, qui appellent les différents titres de presse à se mobiliser « contre ce projet de loi liberticide ».
Après le vote du Sénat, le texte sera examiné par une commission mixte paritaire qui aura la charge de trouver une version du texte acceptable par les deux chambres, avant une éventuelle promulgation.