Pointant le retard de la France dans la révolution numérique, la Cour des comptes critique le maintien d’emplois peu qualifiés dans la fonction publique pour des tâches qui sont amenées à disparaître. Posant la question, plus large, de l’avenir des fonctionnaires de catégorie C.
La révolution numérique n’a pas eu lieu dans l’Administration française. En tout cas, pas complètement. C’est le constat que fait la Cour des comptes, dans un rapport sur la modernisation numérique des services publics.
Ce qui entraîne des choix budgétaires que les Sages jugent “incohérents” avec les objectifs affichés de développement des démarches dématérialisées. Prenant l’exemple de la Direction générale des finances publiques, la Cour des comptes note que les fonctionnaires de catégorie C pâtissent le moins de la diminution des effectifs. Pour, au final, effectuer “des tâches d’exécution amenées à disparaître du fait du développement du numérique, comme la mise à jour des bases de la taxe d’habitation ou le traitement des délais de paiement”.
Voilà qui devrait faire bondir les syndicats qui entendent défendre l’emploi dans la fonction publique. Une levée de boucliers que la Cour des comptes a semblé vouloir anticiper : “Les organisations syndicales mettent en avant le fait que les agents de saisie des déclarations papier exerçaient un contrôle de cohérence des données lors de la saisie. Or, les contrôles de cette nature peuvent souvent être effectués par des algorithmes qui en améliorent d’ailleurs la qualité.”
19 % des Français préfèrent passer par une procédure papier
Beaucoup de démarches pourraient se faire en ligne, mais ce n’est pas encore le cas. La Cour des comptes voit dans cette situation un défaut de prise en charge des usagers, “une approche de court terme” et avance plusieurs explications.
Déjà, parce que ce n’est pas encore un réflexe pour les usagers. 19 % des Français expliquent préférer passer par une procédure papier, contre 7 % dans l’Union européenne.
Les différents projets de dématérialisation des procédures ne sont pas rentables assez rapidement et sont souvent reportés. À peine 300 millions d’euros leur ont été attribués en 2014 sur le budget informatique des services de l’Etat, qui est d’environ 3,2 milliards.
De plus, les services ne sont pas organisés pour mettre en route ce mouvement. Les informaticiens sont éclatés dans les corps de chaque direction d’administration, là où la Cour des comptes préconise une dimension plus “interministérielle”.
C’est aussi l’accompagnement du public qui est déficient et plusieurs recommandations sont faites, comme créer une carte d’identité électronique et un portail unique pour toutes les démarches administratives, multiplier les bornes d’accès en libre-service, proposer une aide individualisée aux publics fragiles…
Des gains de productivité “en deçà de leur potentiel”
Une étude de la Commission européenne place la France au 13e rang continental sur l’offre des services dématérialisés et leur efficience, alors qu’il s’agit d’un objectif affiché depuis plusieurs années. Et, selon la Cour des comptes, cela doit devenir “le mode d’accès de droit commun aux démarches administratives”, répondant à la fois aux attentes des usagers et “maximisant l’effet du recours au numérique sur la réduction du coût et l’amélioration de la productivité des services”.
Si elle met en avant les bénéfices pour les usagers, c’est surtout l’impact sur les finances publiques qui intéresse la Cour des comptes, qui assure que “les gains de productivité liés aux services publics numériques restent en deçà de leur potentiel”. La modernisation numérique pourrait donc être un levier pour faire face aux contraintes budgétaires actuelles, au détriment de certains emplois peu qualifiés. Un levier qui, pour la Cour des comptes, reste largement sous-utilisé alors qu’elle assure que “la saisie directe des données par les contribuables dans les applications de téléprocédure permet de dégager des gains en emplois”.