Du système Havelange à l’affaire Platini, en passant par le Qatargate, petit rappel historique des principales affaires qui ont mis en cause la bonne gestion de la FIFA depuis quarante ans.
1974-2011 : le système Havelange, les droits télé et l’affaire ISL
Sous le règne du Brésilien João Havelange, qui la préside de 1974 à 1998, la Fifa va devenir une véritable multinationale du football. Adidas et Coca-Cola deviennent de juteux partenaires, le football se globalise et les coupes du monde se transforment en machines commerciales et en planches à billets.
En 2001, la faillite d’ISL, société de marketing sportif suisse qui gère les droits télévisuels des coupes du monde, fondée par l’ancien patron d’Adidas Horst Dassler, déclenche la première affaire au sein de la Fédération internationale de football. La justice suisse révélera dix ans plus tard, en 2012, après une longue investigation et des enquêtes tenaces du journaliste anglais Andrew Jennings, qu’un véritable système de pots-de-vin a été mis en place entre 1982 et 2001 entre ISL et les dirigeants de la Fifa, avec au centre l’attribution des droits télévisuels. João Havelange et son gendre Ricardo Teixeira, président de la Confédération brésilienne de football (CBF) entre 1989 et 2012, auraient touché d’ISL, à seulement eux deux, la somme de 41 millions de francs suisses.
João Havelange sera contraint de démissionner du Comité international olympique (CIO) en décembre 2011, et de son poste de membre d’honneur de la Fifa en avril 2013.
Décembre 2010 : déclenchement du “Qatargate”
En désignant le 2 décembre 2010 le Qatar comme pays hôte pour la Coupe du monde 2022, les membres du gouvernement de la Fifa vont prendre l’une des décisions les plus controversées de l’histoire du sport. Dans Fifagate (Michel Lafon, 2015), les deux journalistes de France Football Philippe Auclair et Éric Champel expliquent que “les deux tiers des vingt-deux votants ont été suspendus pour des faits de corruption avérés, ou font l’objet de forts soupçons, ou ont passé un accord d’échange de voix, ou ont été sous influence politique de leur gouvernement”.
Le Qatari Mohammed Bin Hammam, membre du comité exécutif de la Fifa, candidat à la succession de Sepp Blatter et éminence grise de l’émir du Qatar, sera l’exécuteur des basses œuvres de l’émirat. Comme le révèlent les journalistes du Sunday Times Jonathan Calvert et Heidi Blake, derrière les Fifa files, Bin Hammam aurait dépensé plus de 5 millions de dollars en pots-de-vin, voyages et cadeaux pour infléchir le vote en faveur des Qataris. Il sera finalement banni à vie par la Fifa en décembre 2012, pour des malversations au sein de la Confédération asiatique de football (AFC), dont il est le président.
En janvier 2013, l’hebdomadaire France Football lance également en une son “Qatargate” et révèle comment Michel Platini, alors membre du comité exécutif de la Fifa, aurait décidé de voter pour le Qatar lors d’un dîner en 2010 à l’Élysée, avec Nicolas Sarkozy et l’actuel émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad al–Thani. Platini aura beau répéter avoir fait son choix “en toute indépendance”, le mal est fait. D’autant plus lorsqu’on apprend que Laurent Platini, son fils, est le directeur de Burrda Sport, l’équipementier sportif du Qatar.
Quelques mois plus tard, en septembre 2013, le Guardian lance une autre bombe : d’ici à 2022, 4 000 travailleurs migrants, notamment d’origine indienne et népalaise, pourraient trouver la mort sous la chaleur du Qatar, sur les chantiers de construction de la Coupe du monde. La Fifa, qui a délaissé le terrain des Droits de l’homme depuis de nombreuses années, prendra tout de même la décision en septembre 2015 de déplacer la Coupe du monde en novembre, sous des températures humainement respirables.
Après des mois de démentis et différents enterrements du comité d’“éthique” de la Fifa, la justice suisse a finalement lancé une enquête en mars 2015 pour “blanchiment d’argent” et “gestion déloyale” sur les conditions d’attribution des coupes du monde 2022 au Qatar, mais aussi 2018 en Russie.
Mai 2015 : le “Fifagate” et le coup de filet du FBI à Zurich
Le 27 mai 2015, sept hauts responsables de la Fifa sont arrêtés au petit matin dans leur chambre de l’hôtel Baur au lac de Zurich par la police suisse, à la demande de la justice américaine. En tout, la procédure ouverte par le procureur fédéral de Brooklyn à New York pour des faits de “racket”, “escroquerie par voie électronique”, “blanchiment d’argent”, principalement autour des droits média et marketing, vise quatorze personnes. Sont concernés le natif des Caïman Jeffrey Webb, vice-président de la Fifa et président de la Confédération d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf), le Trinidadien Jack Warner, ancien vice-président de la Fifa, le Paraguayen Nicolás Leoz, ancien président de la Confédération sud-américaine (Conmebol), l’Uruguayen Eugenio Figueredo, vice-président de la Fifa, ou encore le Brésilien José Maria Marin, ex-président de la Fédération brésilienne de football (CBF). C’est la plus grosse affaire de corruption de l’histoire du football, de par son ampleur. Le scandale fait la une des médias du monde entier. On parle désormais de “Fifagate”.
Octobre 2015 : l’Allemagne accusée d’avoir acheté sa Coupe du monde
Le 9 novembre 2015, Wolfgang Niersbach, le puissant patron de la Fédération allemande de football, jette l’éponge. Trois semaines plus tôt, l’influent hebdomadaire allemand Der Spiegel a publié une enquête qui plonge le pays dans la tourmente : l’Allemagne aurait acheté sa Coupe du monde en 2006. Selon le journal, le comité d’organisation du mondial, présidé par Franz Beckenbauer et dont Wolfgang Niersbach était le vice-président, se serait constitué une caisse noire de 6,7 millions d’euros, afin d’acheter quatre voix décisives de membres du comité exécutif de la Fifa pour l’attribution de la Coupe du monde. Une claque pour le “Kaizer” Franz Beckenbauer, icône nationale, déjà en attente de jugement du comité d’“éthique” de la Fifa pour avoir refusé de collaborer avec l’Américain Michael Garcia, chargé d’enquêter sur les conditions d’attribution des coupes du monde 2018 en Russie et 2022 au Qatar.
Décembre 2015 : Blatter et Platini suspendus 8 ans
Le 21 décembre 2015, le couperet du comité d’“éthique” de la Fifa est tombé. Le Suisse Sepp Blatter, inamovible, président depuis 1998, à la Fifa depuis 1975, et le favori à sa succession, le président français de l’UEFA Michel Platini, ont été suspendus huit ans de toute activité liée au football. Les deux hommes ont été reconnus coupables de “gestion déloyale” et de “conflit d’intérêts”, à la suite d’un paiement controversé de 1,8 million d’euros de Sepp Blatter à Michel Platini, en 2011. Grillés pour la présidence de la Fifa, les deux ex-meilleurs ennemis du football mondial ont fait appel de la suspension. L’un comme l’autre n’ont encore dit leur dernier mot…