Clientélisme, détournement de fonds, achat de voix ou chiffres bidonnés pour obtenir un appel d’offres… En enquêtant sur les entremêlements entre le cercle politique et le secteur associatif, le journaliste Sylvain Louvet lève le voile sur les dérives induites par l’appât du gain et l’absence de contrôle de l’État. Une enquête diffusée ce mercredi sur France 3, dans l’émission Pièces à conviction.
Les subventions publiques attribuées aux associations financent-elles par essence la bonne cause ? Une question d’apparence simple, dont la réponse peut être très difficile à obtenir. Dans une enquête diffusée ce mercredi sur France 3, le journaliste Sylvain Louvet se penche sur ce “pan insoupçonné de notre économie”. “Avec plus de 100 milliards d’euros de ressources à l’année, le secteur associatif pèse autant que l’industrie agroalimentaire et l’agriculture réunies”. De quoi mettre la puce à l’oreille du journaliste, d’autant plus lorsque les subventions publiques représentent 34 milliards d’euros, dont 80% des associations françaises “ne verront jamais la couleur”. En Auvergne-Rhône-Alpes d’abord, puis en Seine-Saint-Denis et enfin à l’échelle nationale, pour lutter contre la radicalisation suite aux attentats, des dérives majeures dans l’utilisation de l’argent public par les élus et les associations sont mises au jour. Du courrier envoyé par Laurent Wauquiez s’engageant à transférer le financement des associations écologistes aux fédérations de chasseurs avant l’élection aux listing par les associations des sensibilités politiques de leurs adhérents pour éclairer les campagnes menées en Seine-Saint-Denis, l’absence de contrôle par l’État de ce secteur ouvre la voie aux petits arrangements si peu démocratiques.
Du cash pour rémunérer le bon vote
“Très honnêtement, je ne m’attendais pas à ce que les liens entre les associatifs et les élus puissent être aussi forts et aller aussi loin”, confie le journaliste, qui n’exclut pas un deuxième volet de cette enquête sur ces “liaisons dangereuses”. Des liens le plus souvent camouflés et des acteurs parfois victimes de violentes menaces, explorées grâce aux témoignages d’observateurs internes. “Ce sont des lanceurs d’alerte, pour une raison simple : ils prennent des risques pour dénoncer ces pratiques et ont un sens poussé de l’éthique. Un des témoignages pose vraiment question sur la manière dont a été élu le maire de Bobigny et la salariée d’Unismed a vraiment essayé d’alerter en interne avant de communiquer sur les mauvaises pratiques de son association. C’était insupportable pour elle que, sur une thématique aussi importante que la déradicalisation, il puisse y avoir de telles dérives”, raconte Sylvain Louvet.
Qui contrôle les associations ?
Tenir les associations par leur financement permet-il à un élu de garder une ville, une circonscription, voire une région ? En Seine-Saint-Denis, la réponse semble évidente. “Le lien de dépendance entre les associations et les élus atteint là un paroxysme, mais cela doit se retrouver dans d’autres circonscriptions. Des dérives ont pu être pointées dans de nombreux rapports de la Cour des comptes, car le secteur associatif n’est pas contrôlé. Si certaines associations envoient des rapports d’activité et leur bilan comptable, j’ai eu beaucoup de mal à récupérer les rapports d’activité et les bilans comptables dans le cadre de mon enquête, alors que cela devrait aller de soi. Quand de l’argent public est distribué, l’accès à ces documents devrait être simple. Or, ce n’est pas du tout le cas.” Épinglé sur la distribution de sa réserve parlementaire, le député et patron de l’UDI Jean-Christophe Lagarde renverra dans un courriel la responsabilité à l’État. Un État qui ne sera pas bien plus regardant dans l’attribution de centaines de milliers d’euros à des associations de déradicalisation qui n’en ont parfois que le nom.