Au cours de notre enquête, l’organisation a joué le jeu de la communication. Après plusieurs demandes et relances, elle a répondu à nos questions concernant les notices rouges et leur utilisation abusive par certains régimes autoritaires. Des réponses souvent partielles ou à côté, parfois partiales ou contradictoires avec celles obtenues au cours de notre enquête, mais qui ont le mérite de donner une base d’engagements sur les réformes à venir.
Un rapport du Conseil de l’Europe de mars 2017 pointe que “ces dernières années, le système de notices rouges d’Interpol a été utilisé abusivement par certains États membres pour persécuter des opposants politiques à l’étranger”. Comment garantir le bon usage des notices d’Interpol ?
Tous les avis et diffusions doivent respecter les règles et règlements d’Interpol. Cela inclut l’article 2 de la Constitution d’Interpol, qui fait explicitement référence à l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme et à l’article 3 de la Constitution d’Interpol, selon lequel il est “strictement interdit à l’organisation d’entreprendre toute intervention ou activité d’un caractère politique, militaire, religieux ou racial”.
Un ensemble de règles spécifiques et élaborées – les règles sur le traitement des données – prévoient des critères supplémentaires pour la publication de chaque type d’avis, la répartition des responsabilités entre les différentes entités (le pays demandeur, le Secrétariat général, les pays bénéficiaires), etc.
Comment contrôler l’émission de notices rouges, dont le nombre a fortement augmenté ces dernières années ? Des engagements ont récemment été pris par Interpol en la matière, quelles ont été les évolutions depuis ?
Il existe plusieurs niveaux de contrôle pour assurer la conformité avec les réglementations d’Interpol. Le premier est les Bureaux centraux nationaux qui envoient la demande de coopération policière (par exemple, une demande d’avis rouge). Ils sont entièrement responsables de toute information qu’ils fournissent aux bases de données d’Interpol ou qui circule en utilisant le système d’information d’Interpol. Ils devraient s’assurer que les informations sont exactes, pertinentes et à jour, et que leur traitement est conforme à la Constitution de l’Organisation ainsi qu’à leur législation nationale.
Le deuxième est le siège du Secrétariat général d’Interpol. En novembre 2016, le Secrétariat général a créé une équipe spéciale composée d’une unité multidisciplinaire comprenant des juristes, des policiers, des analystes et des spécialistes opérationnels pour examiner tous les niveaux de traitement des données, y compris en ce qui concerne les notices rouges et les diffusions. Toutes les demandes sont examinées attentivement par le groupe de travail afin de s’assurer qu’elles sont conformes à la constitution ou aux règles d’Interpol.
Toutes les demandes sont examinées attentivement par le groupe de travail afin de s’assurer qu’elles sont conformes à la constitution ou aux règles d’Interpol”
Dans le cadre de l’examen effectué par le groupe de travail, des renseignements supplémentaires provenant de toutes les sources pertinentes peuvent être demandés afin qu’une décision soit prise quant à l’émission ou non d’un avis. Interpol prend également des mesures préventives pour protéger le système des notices rouges. Nous avons et continuerons de travailler avec des ONG et des particuliers qui soulèvent des cas potentiels avant même que toute demande ait été soumise à Interpol.
L’examen des avis et diffusions se fait sur la base des informations disponibles au moment de la demande. Si, suite à la publication d’avis/diffusions, des informations nouvelles et pertinentes sont portées à l’attention du Secrétariat général, l’affaire est réexaminée. En outre, un pays membre peut soulever des préoccupations concernant des informations traitées par un autre pays membre – y compris la publication d’une notice rouge, s’il considère que cela n’a pas été fait conformément aux règles d’Interpol.
Lorsqu’un avis ou une notice rouge est annulé, pour quelque raison que ce soit, un message est envoyé à tous les pays membres pour les informer de la décision et il leur est demandé de retirer toute information connexe de leurs bases de données nationales.
Comment l’arrestation de Dogan Akhanli au mois d’août en Espagne a-t-elle été possible ? N’illustre-t-elle pas les dérives de l’utilisation d’Interpol et des notices rouges par les régimes autoritaires ?
Interpol ne peut pas exiger ou contraindre un pays membre à arrêter une personne faisant l’objet d’une notice rouge. Interpol ne peut pas non plus obliger un pays membre à prendre des mesures en réponse à la demande d’un autre pays membre.
Chaque pays membre d’Interpol décide pour lui-même de la valeur juridique de l’avis rouge à l’intérieur de ses frontières. Lorsqu’il prend la décision de donner suite à un avis ou à toute autre demande, un pays assume l’entière responsabilité de cette décision.
Bien que le nombre de cas dans lesquels une notice rouge a été jugée contraire à l’article 3 soit extrêmement faible, nous admettons que même un cas est un cas de trop, en particulier pour l’individu concerné”
Bien que le nombre de cas dans lesquels une notice rouge a été jugée contraire à l’article 3 est extrêmement faible, nous admettons que même un cas est un cas de trop, en particulier pour l’individu concerné. Nous travaillons pour rendre ce petit pourcentage encore plus petit. Cependant, ce n’est pas seulement la responsabilité du Secrétariat général d’Interpol.
Les pays membres doivent respecter les règles et la constitution qu’ils ont accepté de respecter lorsqu’ils ont rejoint Interpol. Surtout, ils devraient également partager avec le Secrétariat général des informations pouvant déclencher un examen d’un cas spécifique.