Si la condamnation de Bernard Tapie à se séparer du pactole indûment perçu en 2008 est actée, les modalités de remboursement font toujours débat. Après un premier jugement clément autorisant l’étalement de la dette, le parquet a fait appel et demandé la mise en liquidation judiciaire du groupe Tapie, en vue de l’audience qui s’ouvre le 30 janvier.
Dix ans après l’arbitrage de l’affaire Adidas-Crédit Lyonnais, qui avait rendu le patron du quotidien La Provence richissime, l’affaire Tapie devrait enfin connaître son dénouement en 2018. Dans le volet pénal, où l’ordonnance de renvoi en correctionnelle rendue le 20 décembre ouvre la voie à un procès au cours de l’année. Et, dès cette fin janvier, au civil, avec l’audience d’appel relative au plan de remboursement des 404 millions d’euros indûment perçus. Alors que le jugement du tribunal de commerce prononcé en juin dernier, particulièrement favorable à Bernard Tapie, lui permettait d’étaler le remboursement de sa dette, le ministère public, à l’origine de la procédure d’appel, demande aujourd’hui la mise en liquidation du groupe Tapie.
Dans ce volet civil de l’affaire, Bernard Tapie a été définitivement condamné par la Cour de cassation, le 18 mai 2017, à rembourser les 404 millions d’euros obtenus au terme de l’arbitrage de 2008. Dans la foulée, le tribunal de commerce de Paris avait validé, le 6 juin, un plan de remboursement échelonné sur cinq ans (2018-2023). Plan élaboré par Bernard Tapie et ses conseillers, au mépris de la procédure, et jugé “irréaliste” par ses créanciers, comme le rapportait alors le Lanceur. Le parquet de Paris a donc fait appel de cette décision. L’audience de seconde instance se tiendra le 30 janvier devant la cour d’appel de Paris.
“Aucune perspective de redressement”
Le parquet n’est pas tendre dans ses conclusions. Notamment avec le tribunal de commerce de Paris, qui avait accédé par son jugement du 6 juin à la demande formulée par Bernard Tapie de placer ses deux sociétés en procédure de sauvegarde, selon un document révélé par Le Lanceur. Un tour de passe-passe qui ne laissait d’autre solution que l’étalement de la dette. Or, les garanties sur les actifs du groupe, censées soutenir cette option, ont été apportées non pas par des experts indépendants, mais par le clan Tapie lui-même. “M. Tapie, ne souhaitant pas poursuivre avec les experts initialement désignés, a sollicité M. Stéphane Cohen, expert-comptable, qui a accepté d’intervenir”, souligne le jugement. Se contentant d’exprimer son regret de voir ses recommandations bafouées, le juge commissaire avait validé l’audit.
Les conclusions du parquet de Paris, révélées par Mediapart, sont particulièrement critiques sur ce point : “Le tribunal de commerce s’est contenté d’adopter, sans procéder au moindre examen critique, le rapport (…) élaboré à la demande des sociétés débitrices et financées par elles.” Le tout au mépris de la jurisprudence établie par la Cour de cassation.
Le contenu de l’audit s’avère en outre biaisé. “Les sociétés GBT et FIBT [les deux holdings du groupe Tapie, NdlR] présentent délibérément comme susceptibles de constituer des garanties du plan des biens dont elles ne disposent pas”, soulignent les conclusions du parquet de Paris. Il pointe notamment la surévaluation de la société La Provence et de ses bénéfices futurs. Pour le ministère public, “les conditions de la sauvegarde ne sont pas réunies”, “aucune perspective de redressement des sociétés GBT et FIBT n’existe”. Il demande donc la liquidation de ces sociétés.