Le Lanceur

Le fondateur de Sea Shepherd fiché depuis cinq ans par Interpol

Paul Watson, fondateur de l'ONG Sea Shepherd (LOIC VENANCE / AFP)

Non contente de permettre aux régimes autoritaires de harceler leurs opposants politiques à travers le monde, l’organisation fiche aussi les activistes écologiques. Fondateur emblématique de l’ONG Sea Shepherd, Paul Watson est visé par deux notices rouges, émises de manière abusive en 2012. La première, à la demande du Costa Rica, pour des faits déjà jugés, et la seconde du Japon, pour s’être opposé à des baleiniers qui pêchaient en zone protégée.

“Je ne sais pas pourquoi Interpol a émis ces notices rouges à mon encontre.” Voilà désormais cinq ans que Paul Watson est fiché par Interpol. De manière abusive et pour des motifs politiques, liés à l’engagement écologique du fondateur emblématique de Sea Shepherd, qui a participé à la création de Greenpeace dans les années 1970.

Il a vécu deux ans en France, entre 2014 et 2016, et est maintenant bloqué aux États-Unis, avec sa femme et sa fille, explique Lamya Essemlali, responsable de la branche française de l’ONG. Il prendrait le risque d’être arrêté et extradé vers le Japon s’il venait à quitter les États-Unis.”

Ironie de l’histoire, Sea Shepherd collabore activement avec Interpol en matière de pêche illégale. Nous avons signalé la présence de baleiniers et fourni des preuves de pêche dans le sanctuaire de baleines de l’océan austral Antarctique”, souligne Lamya.

J’ai été placé sur la liste rouge d’Interpol à la demande du Costa Rica et du Japon”

 

“J’ai été arrêté en Allemagne [lors d’une escale à l’aéroport de Francfort, NdlR], en mai 2012, en raison d’une demande d’extradition formulée par le Costa Rica, pour être intervenu en 2002 contre une opération illégale de prélèvement de requins dans les eaux guatémaltèques, à la demande du gouvernement guatémaltèque”, explique Paul Watson au Lanceur.

Assigné à résidence, ses passeports (américain et canadien) confisqués, il doit alors pointer tous les jours au poste de police. Parallèlement, le Japon présente une demande d’extradition pour “atteinte à l’ordre public et conspiration à l’encontre d’un navire baleinier”, rapporte Paul Watson.

Officieusement prévenu de l’imminence de son extradition vers le Japon, il s’enfuit. J’ai quitté l’Allemagne et, un mois plus tard, j’ai été placé sur la liste rouge d’Interpol à la demande du Costa Rica et du Japon”, nous raconte-t-il aujourd’hui.

Le Premier ministre japonais en visite au Costa Rica

Les faits pour lesquels le Costa Rica poursuit Paul Watson ont pourtant été jugés dix ans plus tôt. Et l’activiste a été blanchi. J’ai été arrêté en 2002 et accusé de huit chefs de tentative de meurtre, rappelle Paul Watson. Au tribunal, nous avons présenté un film [Les Seigneurs de la mer] démontrant que ce n’était pas vrai, nous avons tout documenté contre la parole des huit braconniers. Les accusations ont été rejetées et j’ai reçu l’autorisation de quitter le Costa Rica.”

Étonnant donc de voir le petit État d’Amérique centrale réactiver les poursuites une décennie plus tard. Paul Watson avance une justification. Il semble que le Costa Rica ait émis la demande d’extradition après une visite du Premier ministre du Japon en décembre 2011”, nous glisse-t-il. Et pour cause : l’engagement de Paul Watson contre les baleiniers japonais qui pêchent de manière illégale dans le sanctuaire de l’océan austral Antarctique ne plaît pas en Extrême-Orient.

Il semble que le Costa Rica ait émis la demande d’extradition après une visite du Premier ministre du Japon”

 

“En 2010, les Japonais ont délibérément détruit un navire Sea Shepherd à deux millions de dollars, raconte Paul Watson au Lanceur. Sans ma permission, le capitaine de notre bateau est alors monté à bord du vaisseau de sécurité japonais pour se confronter au capitaine qui venait de l’attaquer. Il a été arrêté et emmené au Japon et accusé d’intrusion.”

Paul Watson raconte que Peter Bethune, le capitaine en question, aurait alors conclu un marché avec les autorités nippones pour obtenir leur clémence : Il m’a accusé de lui avoir ordonné de monter à bord du navire.” Avant de revenir sur ses déclarations, de retour au pays. Peter Bethune a signé un affidavit au Département d’État américain en admettant qu’il avait menti (…) Les Japonais refusent de le reconnaître et continuent d’exiger mon extradition”, assure Watson.

“Les notices rouges sont toujours actives”

“Il ont voulu décapiter l’ONG mais cela n’a pas marché, en revanche Paul est impacté au quotidien, glisse Lamya Essemlali. Nous avons essayé de faire tomber les notices rouges, mais cela est très compliqué, et aujourd’hui elles sont encore actives.” Une information confirmée par l’intéressé, et facilement vérifiable puisque les notices le concernant font partie de celles publiées sur le site d’Interpol.

Nous avons essayé de faire tomber les notices rouges, mais c’est très compliqué et elles sont encore actives”

 

En décembre 2017, les notices sont effectivement actives et Paul Watson ne peut donc pas franchir les frontières états-uniennes sans risquer l’extradition. Pas par la France ou les États-Unis, mais il y a une possibilité que je puisse être arrêté et extradé vers le Japon par toute autre nation qui décide d’agir sur la notice rouge”, explique-t-il. Le Canada a par exemple fait savoir qu’il l’extrairait malgré [sa] citoyenneté canadienne”.

Si l’ONG assure que cette menace n’a pas de conséquences sur ses opérations, elle limite de fait les possibilités d’action de son fondateur. Et Lamya Essemlali de conclure : “Ce qui est choquant, c’est que les gouvernements auxquels nous nous opposons utilisent des outils comme ceux d’Interpol, organisation censée prévenir la criminalité.”

 

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