Alors que le président de la nouvelle région Aquitaine-Limousin-Poitou- Charentes a révélé avoir trouvé 132 millions de factures en attente de règlement en Poitou-Charentes, la chambre régionale des comptes, en 2013, mettait déjà en évidence des dépenses risquées de la part du conseil régional.
132 millions d’euros de factures en attente de règlement, 62 millions en investissement et 70 millions en fonctionnement. C’est ce qu’a découvert Alain Rousset en Poitou-Charentes après la fusion avec la région Aquitaine.
Dans un rapport de 2013, la chambre régionale des comptes s’était penchée sur la gestion de la région Poitou-Charentes, alors dirigée par Ségolène Royal depuis 2004, et avait mis en évidence des dépenses risquées, dont les aides accordées à la société Eco et Mobilité.
Cette société a répondu en janvier 2008 à un appel à projets du conseil régional pour la mise au point d’une voiture électrique régionale. Fruits d’une politique visant “à favoriser en Poitou-Charentes l’émergence d’une capacité de production industrielle de véhicules électriques”, les aides versées par la région et ses partenaires atteignent, selon la chambre régionale des comptes, près de 7 millions d’euros. C’est “5% du total des aides économiques” de la région entre 2008 et 2010 et “40% desdites aides pour les véhicules électriques”.
Une société “en situation de difficulté croissante”
Sauf que la société Eco et Mobilité a enchaîné les exercices déficitaires, malgré les aides et les recapitalisations, jusqu’à sa liquidation le 15 mai 2012. Ce qui n’a pas empêché le conseil régional de continuer à verser de l’argent, ce que note la chambre régionale des comptes, pour qui “les avances et prêts accordés à la société Eco et Mobilité jusqu’en 2011 l’ont été alors qu’elle présentait les signes habituels d’une entreprise en situation de difficulté”. Au final, selon le rapport, “la région a aidé par tous les moyens possibles, jusqu’à sa défaillance, une entreprise en situation de difficulté croissante”. Un manque de discernement qui a coûté cher à la collectivité et qui peut entrer dans ce qu’Alain Rousset a appelé “la multiplicité, sinon l’émiettement de toutes les actions qui ont été menées”.
Dans sa réponse, à l’époque, Ségolène Royal avait fait valoir qu’il s’agissait d’un secteur émergent et que l’entreprise “présentait les difficultés traditionnellement rencontrées par des sociétés innovantes en phase d’amorçage et de développement”, ajoutant que “l’ensemble des aides à l’entreprise Eco et Mobilité [avaient] été accordées alors que l’entreprise ne faisait l’objet d’aucune procédure collective de sauvegarde, de redressement judiciaire, ni ne présentait de situation de cessation de paiement”.
Une “dérive qui aurait pu être très grave dans trois ou quatre ans”
L’interview d’Alain Rousset dans La Nouvelle République, Centre-Presse et Sud-Ouest n’a pas plu à la ministre de l’Environnement, qui l’a pris comme une mise en cause personnelle et n’a pas écarté l’idée de porter plainte pour diffamation.
Pourtant, la chambre régionale des comptes pointait déjà les fortes progressions, entre 2005 et 2010, des dépenses de fonctionnement et d’investissement, ainsi que le fait que “82% de l’encours de dette au 31 décembre 2010 [pouvait] comporter des facteurs de risque”.
Et là où Alain Rousset parlait d’une “dérive” qui aurait pu être “très grave dans trois ou quatre ans”, Ségolène Royal n’a pas répliqué sur le terrain financier mais politique, voyant simplement dans cette sortie médiatique un “règlement de comptes avec Jean-François Macaire [son successeur à la tête du conseil régional de Poitou-Charentes lorsqu’elle est entrée au gouvernement, en mars 2014, NdlR] qui s’est présenté contre Alain Rousset” lors de la primaire interne pour la candidature à la région.