Le Lanceur

Les gendarmes du logement social enquêtent sur Maisons et Cités

26 corons transformés en hôtel de luxe, le projet Maisons & Cités

Le directeur général de Maisons & cités (ex-Soginorpa), le deuxième bailleur social, annonce à ses salariés, dans un courrier que Le Lanceur publie, que l’Agence nationale de contrôle du logement social va venir les contrôler. Cette lettre vient confirmer nos informations selon lesquelles le ministère du Logement voit d’un mauvais œil le projet de transformation de maisons de mineurs en hôtel quatre étoiles.

Début octobre, Le Lanceur annonçait que l’Ancols (l’Agence nationale de contrôle du logement social, les gendarmes du secteur) regardait de près le groupe Maisons & Cités (ex-Soginorpa), en particulier le projet de transformation de corons en hôtel de luxe porté par la nouvelle direction et la mairie de Lens. En réalité, l’Ancols va procéder à un contrôle et un audit complet de l’entreprise, selon le courrier que le directeur de Maisons & Cités, Dominique Soyer, a envoyé aux salariés le 13 octobre, que Le Lanceur reproduit ici en exclusivité.

“Nous avons été informés par un courrier du 26 septembre de l’ouverture d’un contrôle de l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) pour nos deux sociétés HLM, Maisons & Cités et Maisons & Cités Accession, écrit Dominique Soyer. L’Ancols est un établissement public qui a notamment pour mission de contrôler et d’évaluer, de manière individuelle, les organismes de logement social. Ce contrôle était donc prévisible compte tenu du passage au statut HLM de Maisons et cités.”

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Le groupe Maisons & Cités s’est constitué à partir de 2002, année de naissance de l’Etablissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais (Epinorpa) et du rachat par celui-ci de Soginorpa. Le changement de statut de Maisons & Cités n’est en effet pas anodin. Comme l’annonçait, en 2014, le deuxième bailleur social en France (63.000 logements) aux locataires, en devenant une société HLM, Maisons & Cités va s’engager auprès de l’Etat, par une convention, à louer ses logements sous conditions de ressources et à respecter un niveau de loyer maîtrisé. C’est ce qu’on appelle le “conventionnement” du parc de logements.” Bref, en changeant de statut, le deuxième bailleur social obtient des avantages (des financements surtout), mais doit aussi répondre à des obligations, que vont rappeler les inspecteurs de l’Ancols. En fonction de leurs caractéristiques, les logements vont être classés selon différentes catégories de logements HLM. À chacune de ces catégories de logement HLM, correspond un niveau de ressources maximum ainsi qu’un niveau de loyer maximum”, expliquait-on chez Maisons & Cités.

L’Ancols va se pencher sur le projet d’hôtel de luxe

Selon nos informations, les inspecteurs-auditeurs de l’Ancols sont très intrigués par le projet d’hôtel de luxe. Créée par Charbonnages de France, l’ex-Soginorpa (chargée depuis 1986 de la gestion d’un patrimoine de 60.000 logements miniers) veut modifier 26 corons (des maisons de mineurs, classées monuments historiques) situés face au musée du Louvre-Lens, pour en faire un établissement hôtelier de 64 chambres, avec bar, salles de séminaire, restaurant, parking et même une salle de fitness. Un projet estimé à 8 millions d’euros, dont 6,8 millions sont apportés par le groupe Maisons & Cités sur ses fonds propres. L’idée ? Le bailleur finance les travaux, mais c’est Esprit de France (11 hôtels à Paris et 30 châteaux et belles demeures en région), groupe spécialisé dans l’hôtellerie de charme et de luxe, qui serait chargé d’exploiter ce très bel hôtel.

La direction parle d’“amener de la vie”, les syndicats crient à la gabegie

Pour Dominique Soyer, qui ne veut plus répondre aux interviews sur ce projet, ce quatre-étoiles n’est pas un simple hôtel, mais a une vocation sociale. Le directeur général veut rompre avec la mono-fonctionnalité des cités” et y amener de la vie”. Des arguments qui n’ont pas convaincu les organisations syndicales maison, qui estiment que ce n’est pas à un bailleur social, voire très social, de s’investir dans l’hôtellerie de luxe”. Sud Logement dénonce, depuis l’arrivée de Dominique Soyer, la baisse des budgets d’entretien courant”. Or, les 6,8 millions d’euros prélevés sur les fonds propres de la Soginorpa auraient pu servir à entretenir notre patrimoine”, ajoute le syndicat.

Le dossier risque toutefois de virer au casse-tête politique. Au ministère du Logement, on ne veut pas de cet hôtel quatre étoiles. On rappelle que ce bailleur social a un passé chargé. L’Ancols a déjà contrôlé plusieurs fois l’ex-Soginorpa, révélant de nombreuses irrégularités dans la gestion : emprunts toxiques, abus sociaux, attribution des logements “politiques” aux membres du PS… En 2010, la chambre régionale des comptes a aussi audité la Soginorpa (à consulter sur le site de Maisons & Cités).

En mai 2013, l’ancien président de ce bailleur social, Jean-Pierre Kucheida, a été condamné à 30.000 euros d’amende pour abus de biens sociaux au détriment de la Soginorpa, qu’il a présidée de 2004 à juin 2012. L’ancien député-maire PS de Liévin est aussi actuellement visé par une procédure sur des faits de corruption présumée. En janvier 2014, il a été placé en garde à vue dans les locaux de la police judiciaire à Lille dans le cadre d’une enquête financière”, selon La Voix du Nord.

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