L’actionnaire du Monde et propriétaire des Inrocks souhaite “investir” l’industrie de la musique. Et “peut-être aussi demain la télévision”.
Le banquier et homme d’affaires Matthieu Pigasse, actionnaire du Monde et propriétaire des Inrockuptibles, a pris hier la présidence du festival Les Eurockéennes de Belfort, dont l’édition 2015 devait se clôturer dans la soirée, a-t-il annoncé sur place lors d’une conférence de presse. L’homme de 47 ans, qui a accordé une interview exclusive à notre confrère Xavier Frère (L’Est républicain, groupe EBRA), s’est dit “fier et heureux” d’assurer la présidence de l’association Territoire de Musiques, qui gère les Eurockéennes. Il succède ainsi à Jean-Marc Pautras, qui souhaitait “passer le flambeau après six ans de présidence” et lui a proposé le poste. “J’ai accepté par passion absolue pour la musique, le rock et ce festival”, a souligné à l’AFP le patron de presse, qui vient “depuis huit ans et par tous les temps” aux “Eurocks” et semble avoir l’esprit de sacrifice.
Matthieu Pigasse s’est dit par ailleurs prêt à “investir” l’industrie de la musique, quand “le moment viendra”. “On a un média papier, Les Inrocks, qui sort des compilations, il y a une radio, Radio Nova, des synergies doivent exister entre les deux, a-t-il souligné. Les Inrocks, Radio Nova, Télérama, tout est cohérent, ils ont un ADN commun qui est cette quête de sens.” Il souhaite “continuer à construire un groupe de médias, sur tous les supports possibles d’aujourd’hui : papier, radio, scènes, mais peut-être aussi demain télévision”.
“Dirty deeds done dirt cheap”
Alors que le trio BNP (Bergé, Niel, Pigasse) est associé dans Le Monde, seul Xavier Niel est présent au capital de la chaîne fantôme Numéro 23 et s’est d’ailleurs ménagé un bonus pour la revente prévue du canal TNT (comme le précise le pacte d’actionnaires, “dès janvier 2015”), pacte où l’on retrouve l’ancien émir du Qatar et la première fortune de Russie, Alicher Ousmanov. Pascal Houzelot (Pink TV), le porteur du projet, avait décroché l’autorisation d’émettre en mars 2012 dans des conditions douteuses (appel à candidatures truqué) et avait alors expliqué au CSA que Matthieu Pigasse et d’autres riches hommes d’affaires financeraient l’ensemble. En fait, il s’agissait d’un “vrai braquage”, pour reprendre la formule de Frédéric Mitterrand, ce canal ayant été attribué dans le seul but de toucher le jackpot à l’occasion de la revente programmée d’une ressource publique, comme tout le monde le découvre (ou fait mine de le découvrir) aujourd’hui.
David Kessler, grand défenseur du projet Numéro 23, aujourd’hui en poste chez Orange après avoir été conseiller pour la culture de François Hollande à l’Élysée, expliquait quant à lui le 16 juin au Monde qu’il avait agi au grand jour au CSA en tant que représentant de Matthieu Pigasse, lequel envisageait effectivement de devenir actionnaire de la chaîne. David Kessler affirmait par ailleurs qu’il n’avait “rien à voir” avec la revente scandaleuse de Numéro 23, annoncée en avril 2015. On rapellera à nos lecteurs que j’avais été personnellement contacté au même moment par une représentante de Matthieu Pigasse, lequel affirmait au contraire avoir été associé à Numéro 23 “par erreur”. Aujourd’hui, ce fan déclaré de Clash dit s’intéresser de nouveau… à la télévision. Comme le chantait Joe Strummer, l’homme d’affaires serait en pleine interrogation : “Should I stay or should I go ?” ou “Career opportunities” ? À l’instar de Matthieu Pigasse et des lecteurs de Télérama, nous sommes “en quête de sens”.