Revenues sous le feu de l’actualité après les attentats de janvier 2015, les théories du complot fleurissent, principalement par le biais d’internet et des réseaux sociaux. Pour Mathias Girel, directeur du département philosophie de l’ENS de Paris, il est nécessaire de mieux définir ces propos conspirationnistes pour mieux les appréhender.
lelanceur.fr : Pourquoi avez-vous jugé utile de définir cette notion de “Théorie du complot” ?
Mathias Girel : Cela me semblait utile parce que je suis tout aussi gêné par le fait qu’on suppose des complots là où il n’y en a pas que par le fait de dénoncer des théories-du-complot sans prendre le soin de dire de quoi l’on parle au juste. L’expression de “théorie du complot” me semble malheureuse pour plusieurs raisons : tout d’abord parce qu’elle utilise le terme de “théorie” au sens d’hypothèse aventureuse ou mal fondée, un peu comme les créationnistes américains parlent de l’évolution comme n’étant “qu’une théorie”.
En employant ce terme, on a déjà décidé que ce qui suivait était douteux, au lieu d’examiner ce dont il est question, fût-ce pour le réfuter. Ensuite, parce que l’on fait souvent comme s’il s’agissait de quelque chose de clairement identifiable — “la” théorie du complot — alors qu’il y a des arguments de natures très diverses. Enfin parce qu’au sens où l’expression est utilisée ordinairement, c’est-à-dire pour désigner un trait d’esprit exagérément soupçonneux, on risque de faire tomber dans la même catégorie ceux qui font l’hypothèse que le monde est gouverné par des reptiliens et ceux qui, éventuellement, ont été témoins d’agissements répréhensibles et entendent le faire savoir, appelons-les des “lanceurs d’alerte”. Il n’est pas sain d’écarter ces dernières voix en les écrasant sous l’appellation de “théoriciens du complot”.
Un exemple: j’ai préfacé et donné l’édition française du livre de Robert Proctor, Golden Holocaust, La conspiration des industriels du tabac, qui s’appuie sur les 80 millions de pages des archives des cigarettiers saisies par la justice fédérale américaine. Il y a bien, d’un certain point de vue, une “conspiration” qui est dénoncée, le fait qu’un petit nombre d’agents se soient entendus pour masquer une vérité au plus grand nombre en vue d’un profit, mais cela n’en fait pas un ouvrage complotiste, c’est une “enquête”, selon le sens qui est développé dans l’article. D’où mon souhait, après d’autres, de fixer un peu les termes du débat. Quelqu’un qui fait l’hypothèse d’un complot n’est pas irrationnel, il le devient s’il n’accepte pas la charge de la preuve et tout le patient travail empirique qui en est le corollaire.
Quelqu’un qui doute d’une vérité reçue doit, s’il est cohérent, dire quelle autre théorie il défend et l’exposer à la critique”
lelanceur.fr : Dans votre définition, vous ne retenez pas le fait de “mettre en doute une version officielle”. Pourquoi ?
Mathias Girel : Pour trois raisons. Tout d’abord parce qu’ “officiel” renvoie davantage à une dimension politique qu’à une dimension épistémologique. Il n’y a pas une physique “officielle” et une autre qui ne le serait pas, je préfère parler de “vérité”, de faits établis, de démonstrations fiables, de théories éprouvées. Il y a bien un consensus qui se dégage de la recherche, à un moment donné, mais il est de nature très différente de ce que peut décréter un Etat ; il est produit dans et par l’enquête, et ne lui est pas antérieur.
Ensuite parce qu’il n’est pas toujours facile d’identifier “la” version officielle, comme le verra quiconque s’intéresse de près aux grandes controverses sanitaires et environnementales: la version officielle est-elle celle des meilleurs spécialistes de la question, celle des instances de réglementation ou celle des États ?
Enfin, parce que cette clause me semble faire peser une menace relativiste sur la question : imaginons qu’un Etat adopte une version rocambolesque d’un événement dans sa presse officielle (par exemple, que les Etats-Unis sont gouvernés par des reptiliens, mais on pourrait prendre des exemples plus proches de l’actualité), vous seriez obligé de dire, exactement pour le même argument, que ce qui est une théorie du complot dans un pays ne l’est pas dans un autre. La référence à une version officielle n’apporte pas grand chose ici, elle n’éclaircit rien, car ce que nous voulons savoir au fond, c’est ce qu’il en est vraiment.
lelanceur.fr : Vous indiquez que le défaut des conspirationnistes est de ne pas assez douter de leur version. Comment faire pour réussir à leur instiller ce doute ?
Mathias Girel : Je n’ai pas de réponse définitive là-dessus, et je ne dis pas non plus que les complots sont impossibles, mais que c’est une question de fait, qui concerne ce que l’on peut prouver ou non. Cela dit, je pense qu’il y a plusieurs pistes. L’effet de “compilation” peut faire réfléchir : le fait que quelques minutes après tous les derniers attentats, des accusations d’opération en “fausse bannière” (false flag) soient élevées systématiquement, avant même que l’on ait compté les morts, peut faire réfléchir, je donne d’autres exemples dans l’article.
Par ailleurs, quelqu’un qui doute d’une vérité reçue et ne veut pas aboutir à un scepticisme total doit, s’il est cohérent, dire ce qu’il admettrait comme preuve valable et s’y tenir ; il doit également dire quelle autre théorie il défend et l’exposer à la critique. Des expériences de pensée, comme dans d’autres domaines du savoir, peuvent être éclairantes : si de puissants agents, qu’il s’agisse de services secrets, de firmes ou d’autres collectifs encore, étaient capables de fabriquer en temps réel l’information sur des événements impliquant des centaines, voire des milliers de personnes, quelle est la probabilité pour que cette tromperie soit levée par quelqu’un qui regarde des vidéos d’origine obscure sur internet depuis son canapé, ou même par celui qui les poste ?
Si les sources habituelles d’information ne sont plus fiables, qui l’est et par quels critères jugera-t-on cette fiabilité ? Enfin, pour ceux qui sont soucieux de justice sociale, je pense qu’ils peuvent être sensibles à l’argument selon lequel le fait de se donner quelques coupables responsables de maux considérables est souvent une diversion par rapport à la critique et à l’analyse des mécanismes institutionnels qui produisent systématiquement de l’inégalité et des effets indésirables. C’est la raison pour laquelle une partie assez active de la gauche américaine est très critique à l’égard des arguments complotistes, qui peuvent conduire à ne pas voir ce que nous avons sous les yeux, un numéro de la revue Agone avait bien fait le point là-dessus.
Les grandes révélations n’ont pas été opérées par des vidéos artisanales ou des compilations de faits contradictoires, mais par la mise à disposition du public d’un grand fonds d’archives. C’est le nerf de la guerre”
lelanceur.fr : Comment déconstruire une théorie du complot sans apparaître soi-même comme le défenseur d’une version officielle, ou en tout cas comme voulant masquer la vérité ?
Mathias Girel : Il est probable que dans un certain nombre de cas, le débat ne mène nulle part, si les interlocuteurs sont tellement persuadés de détenir une vérité que toute critique ne sert finalement qu’à renforcer cette croyance initiale (il y a en anglais un livre intéressant et au propos plus général, de Will Storr, intitulé The Unpersuadables, paru en 2014).
Cela dit, et sous réserve de ce que pourront en dire les sociologues et psychologues qui s’intéressent à la question, j’aurais tendance à distinguer deux tempéraments, l’un pour lequel un argument complotiste n’est qu’une manière comme une autre de mener un combat idéologique ou religieux, et pour qui au fond les arguments comptent peu, et un autre tempérament plus soucieux de vérité. Dans ce second cas, il me semble utile de montrer que cette même disposition à poser des questions, à bousculer les idées reçues, à apprendre, peut être appliquée à des questions qu’elle ne pourra résoudre ou bien à des questions sur lesquelles il est possible de trancher. Je vais vous donner un exemple : la journaliste indépendante Stéphane Horel a mené un très beau travail d’enquête, dans Intoxication (La découverte, 2015) sur les raisons pour lesquelles la Commission européenne n’a pas statué sur les perturbateurs endocriniens en 2013 : elle n’a pas ménagé son temps, a poussé des portes, interrogé des acteurs, utilisé les réglementations européennes existantes pour obtenir des courriers électroniques par centaines, et elle a proposé des conclusions robustement étayées.
Les grandes révélations, qu’il s’agisse de celles de Snowden, ou des grands scandales sanitaires, du tabac au plomb, n’ont pas été opérées par des vidéos artisanales ou des compilations de faits contradictoires, mais par la mise à disposition du public de grands fonds d’archives, c’est le nerf de la guerre. Je ne dis pas que tout le monde a le tempérament, le temps, et l’expertise, pour traiter de dossiers aussi complexes, mais il y a tant à faire dans les cercles auxquels nous appartenons pour renforcer leur fonctionnement démocratique, et tant de réponses que des esprits curieux et citoyens peuvent apporter, qu’il est sans doute prudent de ne pas dilapider cette précieuse ressource.
Ci-dessous, Lelanceur.fr publie l’article de Mathias Girel, paru sur le site The Conversation.
Les théories du complot au scalpel
Mathias Girel, École Normale Supérieure (ENS) – PSL
Les « théories du complot » font l’objet d’une attention croissante, elles nourrissent une préoccupation politique, et également pédagogique, tout particulièrement depuis les attentats de janvier et de novembre 2015, où des lectures conspirationnistes des événements ont essaimé sur les réseaux sociaux avant même que les premiers éléments d’enquête n’aient été rassemblés.
Quelle que soit l’importance des autres composantes du problème, il nous semble que les théories du complot posent, en outre, des questions intéressantes à l’épistémologie, comprise aussi bien comme théorie générale de la connaissance, selon le sens anglo-saxon, que comme philosophie des sciences. Les théories du complot – qu’il vaudrait sans doute mieux appeler « arguments complotistes » pour ne pas reprendre un usage relâché du terme technique de « théorie » – semblent imiter l’enquête scientifique, par leur insistance sur l’élucidation de causes cachées permettant d’expliquer les phénomènes visibles, alors qu’elles n’en offrent souvent qu’un douteux avatar.
Qu’est-ce qu’un complot ?
Il est difficile d’entrer dans la discussion sans définition précise de ce qu’est un complot : posons qu’il s’agit d’une « action explicitement coordonnée d’un petit groupe agissant en vue de fins moralement ou légalement répréhensibles à l’insu du plus grand nombre » (pour d’autres définitions, voir l’ouvrage collectif dirigé par David Coady, Conspiracy Theories : The Philosophical Debate, paru en 2006).
Chacun des termes de la définition est requis : il faut que cette action soit explicitement décidée, choisie par ce groupe, si l’on ne veut pas parler de « complot » pour tout effet émergent et indésirable des collectifs auxquels nous appartenons. Une inégalité salariale entre hommes et femmes dans une entreprise est injuste et doit être corrigée, mais peut s’être installée sans que personne ne l’ait voulue explicitement. Ce n’est donc pas à proprement parler un complot.
Il faut également que ces fins soient répréhensibles, si l’on ne veut pas transformer en complot tout anniversaire-surprise ou le passage annuel du Père Noël. Il faut enfin que ce groupe cherche à protéger ses actions de l’exposition publique. On ajoutera que tant que chacun des termes n’a pas été précisé, l’allégation de complot reste largement fantasmatique : de quel groupe parle-t-on ? Qui le compose exactement ? De quelle action précise parle-t-on ? Cet effet a-t-il été voulu ? L’action est-elle coordonnée ? A-t-on sciemment cherché à tromper le plus grand nombre ? Cette action coordonnée est-elle vraiment ce qui permet d’expliquer la survenue d’événements que l’on rattache à ce complot ?
La « version officielle »
Un argument complotiste suppose qu’une réponse ait été donnée à toutes ces questions. Il ne nous semble cependant pas prudent de faire rentrer dans cette définition la mise en doute d’une « version officielle » – ce qui conduirait à admettre d’une part qu’il existe toujours une telle version, aisément identifiable, et d’autre part que ce qui est un argument complotiste, du point de vue d’un pays ou d’un cercle où cette « version » s’impose, pourrait ne pas l’être dans un autre. Quoi qu’il en soit, se contenter de relever des contradictions dans une « version officielle », parler de complot sans avoir mené une enquête sur chacun des termes et sans avoir livré à la critique les résultats de cette enquête est – au mieux – irresponsable.
On relèvera, au passage, que cette définition ne fait pas a priori des complots des événements impossibles : en un sens très ordinaire, dès qu’un groupe poursuit des fins répréhensibles, il y a aussi beaucoup de chances pour qu’il cherche à le cacher, réunissant ainsi les éléments présents dans la définition.
Cette définition satisfait aussi à une contrainte qui nous semble, politiquement et éthiquement, s’imposer à la critique et au déminage des théories du complot : il faut que l’on puisse procéder à cette critique sans « évacuer » les complots ordinaires qui jalonnent l’histoire politique et diplomatique, et sans permettre à d’éventuels comploteurs de se dédouaner en disant de leurs accusateurs qu’ils sont obsédés par une approche complotiste de l’histoire.
Trois objections
Partant de là, un complotiste cohérent devra répondre à trois objections au moins, qui, si on les accepte, rendent les complots de grande envergure improbables :
- il est difficile de mener à bien une stratégie distribuée sur un grand nombre d’individus ;
- il est difficile de maintenir un secret durable quand le nombre de personnes impliquées augmente ;
- dans la mesure où nos actions ont des effets publics, il est difficile de protéger durablement ces actions du décryptage opéré par d’autres agents, qui ont intérêt à préciser nos intentions.
À la différence des éléments de la définition évoquée plus haut, il n’est pas nécessaire que ces trois conditions soient intégralement observées. On peut vouloir parler de conspiration même si l’effet recherché n’a finalement pas été atteint, comme dans le cas du Watergate. Par ailleurs, une conspiration peut très bien être révélée dès qu’elle a porté ses fruits, et ne pas rester toujours secrète – c’est le cas de presque tous les coups d’État. Enfin, il se peut très bien qu’une grande partie du public soit indifférente à ce que révéleront des lanceurs d’alerte.
Mais, même si l’on admet une version faible de chacune des trois conditions, il faut, là aussi, une enquête empirique extrêmement solide pour montrer comment cette improbabilité apparente a été ponctuellement et temporairement surmontée. Une allégation de complot ne peut se contenter de postuler un fait, elle doit également expliquer comment il a bien pu se produire, en dépit de son improbabilité.
L’enquête et ses doubles
Le défaut de la plupart des sites complotistes n’est donc pas d’employer le terme de « complot » ou de le présupposer, ni même de prétendre vouloir révéler des agissements cachés, il est de se prévaloir de ce qui est habituellement le résultat d’une enquête sans accepter le dur labeur qui en est le corollaire. Si faute il y a chez le complotiste, elle n’est pas relative à l’objet, elle est de nature épistémologique et tient à la méthode.
Les arguments de Karl Popper sur la nécessité qu’une théorie complète puisse s’exposer à la réfutation vaudraient sans doute pour les versions hyperboliques des théories du complot, celles pour lesquelles non seulement il y a des complots dans l’Histoire, mais – selon le mot de Richard Hofstadter – pour lesquelles « c’est l’Histoire tout entière qui est un complot » (Le Style paranoïaque). Pour les versions plus modestes, sans prétendre ici donner des critères nécessaires et suffisants de toute enquête, il nous semble que les points suivants, nullement exhaustifs, méritent examen :
- Le préalable à l’établissement d’une enquête est la neutralisation des biais. La puissance du « biais de confirmation », qui consiste à privilégier des informations conformes à son hypothèse, a été très abondamment documentée dans le cas de théories du complot. Le biais de financement est également très puissant, et il est étonnant qu’il ne soit pas plus souvent retourné contre les sites complotistes.
- Une enquête nous apprend quelque chose : les causes et les lois dégagées au cours de la recherche ne sont pas toutes connues avant cette enquête. Chez les adeptes des Illuminati et autres tenants du « Nouvel Ordre Mondial », le principe explicatif est établi avant l’enquête.
- L’histoire des sciences nous montre qu’on ne prouve jamais une théorie en trouvant des défauts dans une théorie opposée. L’étrange mouvement d’Uranus n’a pas signé la fin de la mécanique newtonienne, il a permis de découvrir Neptune, c’était un programme de recherche au sein d’une théorie existante. Le périhélie de Mercure, en revanche, ne s’expliquait ni par la physique d’Aristote, ni par celle de Newton, mais ne fut compris qu’à partir de la théorie de la relativité, indisponible lorsqu’il fut observé la première fois.
- Une enquête scientifique aboutie s’appuie sur des éléments publics, sur des données qui peuvent être redécrites et réanalysées par d’autres enquêteurs.
- Si le doute est souvent le point de départ d’une enquête, il n’est pas son point final.
Rétractations et corrections
Inversement, si les conspirationnistes doutent beaucoup, ils ne doutent parfois pas assez. À partir du moment où ils dénoncent des positions publiques censées être instrumentalisées, il leur faut prouver que leurs propres arguments conspirationnistes ne souffrent pas du même défaut. Il est souvent permis d’en douter.
Le travail d’un historien tel que Douglas Selvage sur les archives de la Stasi – les anciens services secrets d’Allemagne de l’Est – le montre très bien. Selvage s’est intéressé à la théorie complotiste selon laquelle le sida serait une arme biologique conçue par l’armée américaine. Or, comme le souligne cet historien, si la Stasi n’a pas créé cette théorie du complot, qui a existé très tôt sous des formes variées dans les communautés gay et africaine-américaine, elle l’a en revanche puissamment amplifiée, de manière à cliver durablement l’opinion publique américaine.
Enfin, les rétractations et corrections ne sont en rien un signe de maladie de la science : pouvoir identifier des publications fautives est plutôt un signe de bonne vigilance d’une communauté scientifique, pouvoir congédier une première théorie comme mal fondée et insuffisante est une étape normale dans la découverte. Or, il n’y a jamais de rétractation ni de tels ajustements sur les sites complotistes – ce qui, à soi seul, devrait suffire à indiquer le caractère particulier des arguments qui y sont développés.
Il y a sans doute de nombreuses manières de répondre aux théories du complot : elles peuvent passer par l’ironie, par la compilation et l’analyse, voire le « démontage » des occurrences les plus spectaculaires dans l’actualité. En regard, une approche consistant à comparer patiemment les raisonnements conspirationnistes aux pratiques ordinaires, prosaïques, mais robustes, de production et de mise à l’épreuve des connaissances, peut sembler modeste. Mais elle a le mérite de développer des capacités utiles dans de nombreux champs du savoir, et sans doute aussi pour la vigilance lucide qui est la marque des véritables débats citoyens.
Mathias Girel, Directeur des études du département de Philosophie de l’ENS Ulm, École Normale Supérieure (ENS) – PSL
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.