Surnommée “la surdouée” pour une campagne publicitaire, Montpellier met en place une commission “éthique et transparence” pour améliorer le contrôle des pouvoirs publics par des citoyens. Directement issue de la signature de la charte établie par l’association Anticor, la commission tentera d’éviter le clientélisme, les conflits d’intérêts et les éventuelles opacités dans la comptabilité des élus.
“Il sera sans doute plus difficile pour les élus de se faire construire une piscine sur les deniers publics”, affirme le maire, Philippe Saurel, convaincu que la mise en place d’une commission composée en majorité de citoyens participe à l’élaboration d’un système de gouvernance plus éthique et plus transparent. Seule la pratique pourra démontrer l’efficacité de ce groupe de travail, qui jouit en tout cas d’une grande motivation. Douze citoyens de Montpellier auront pour rôle de se prononcer sur les documents et les délibérations du conseil municipal pour éviter le clientélisme et les éventuels conflits d’intérêts. Si la mairie de Limoges a été la première des villes de plus de 100 000 habitants à mettre en place ce type de commission pour contrôler l’action des élus, les citoyens qui la composent y sont désignés par le conseil municipal. À Montpellier, la mairie semble plutôt faire le choix de s’inspirer de la démocratie athénienne : le tirage au sort dans les listes électorales a donc repris du service.
La commission se réunira au minimum une fois par trimestre et à chaque fois qu’il lui semblera utile de le faire, et ce pendant toute la durée du mandat de Philippe Saurel. Lors de leur première réunion, début avril, les citoyens convoqués découvrent des profils variés : de l’infirmière libérale à l’artisan, en passant par une personne sans emploi. Il s’agit de mettre en place leur règlement intérieur, de prendre leurs marques et de comprendre ou déterminer un peu plus précisément la manière dont ils vont fonctionner. Ils seront accompagnés dans leurs consultations par six élus représentatifs des sensibilités politiques du conseil municipal. Le maire de la ville, Philippe Saurel, ancien du PS désormais sans étiquette, est fier de l’engouement des citoyens désignés par tirage au sort : “On ne pensait pas que les premiers viendraient. Dans les conseils de quartier ou avec les associations, on a l’habitude que sur toutes les personnes convoquées seul un petit nombre se déplace. Là, ils sont tous venus, c’est une preuve que cela les intéresse. Par souci d’indépendance et de respect de l’opposition, la présidence de cette commission a été donnée à un élu Les Républicains, membre de l’opposition”, précise-t-il.
Si la transparence est de rigueur et le montant des indemnités des élus publié sur le site Internet de la mairie, c’est bénévolement que les désignés par tirage au sort viendront contrôler l’éthique dans le comportement des élus, les problèmes financiers ou les manquements à la morale. Christine Sorli n’a pas hésité à poser de nombreuses questions lors de l’élaboration du projet de règlement intérieur de la commission, ce qui lui a valu d’être désignée vice-présidente. Son emploi dans le domaine de l’évaluation et de la certification d’entreprises ou de divers organismes lui donne sans doute les clés nécessaires, notamment puisqu’elle est amenée à travailler sur les notions de responsabilité sociétale dans sa vie professionnnelle. L’organisation effective et les documents sur lesquels la commission pourra s’appuyer pour travailler seront déterminés au fur et à mesure. L’efficacité réelle de cette commission en terme de lutte contre la corruption des élus ne pourra donc pas être évaluée avant plusieurs mois, voire plusieurs années de travail.
Aller dans le sens de la limitation des comportements néfastes
La commission Ethique et transparence n’a pas vocation à intervenir dans les décisions du conseil municipal, mais il est prévu qu’elle puisse avoir accès à des documents pour jouer son rôle consultatif. “J’espère que la commission sera utile pour prévenir ou dénoncer d’éventuels conflits d’intérêts et que les rapports que l’on pourra émettre pourront éventuellement infléchir certaines décisions. En tout cas, comme me le faisait remarquer la personne d’Anticor, même si les décisions du conseil sont déjà prises, le fait d’alerter sur la ou les personnes qui pourraient être mêlées à des sujets sensibles permettra de les empêcher de dire qu’elles n’étaient pas au courant. On attend de voir comment ça va être en pratique, mais c’est très bien de pouvoir émettre un avis, puisqu’un avis laisse forcément des traces”, précise la vice-présidente désignée de la commission, Christine Sorli.
Pendant sa campagne pour les municipales, Philippe Saurel, tout comme le maire de Limoges, a signé la charte élaborée par l’association de lutte contre la corruption Anticor. Ce qui lui permet également d’estampiller sur sa mairie le macaron de l’association phare de la lutte contre la corruption. Il s’applique aujourd’hui à respecter mot pour mot la charte qu’il a signée et pense même aller plus loin : “J‘ai fait des choses en plus par rapport au non-cumul des mandats. J’ai démissionné de mon poste de conseiller départemental et je n’ai pas été candidat aux sénatoriales alors que j’avais 400 grands électeurs et qu’il n’en fallait que 240 pour être élu.” Attaché à la transparence démocratique et fiscale, le maire ne semble pas dupe pour autant : “Je suis réaliste, on ne changera jamais les hommes, mais si on peut limiter les comportements néfastes, c’est déjà aller dans le bon sens.”