Son reportage pour TF1 sur la prostitution de mineurs ne lui a pas valu que des amis au Cambodge. Pour se venger, ils ont monté de toutes pièces un dossier l’accusant de pédophilie. Et Interpol l’a fait arrêter lors de ses vacances à Cuba… où il échappe de peu à une extradition. Entretien.
Comment avez-vous appris que vous étiez recherché par Interpol ?
J’étais en vacances à Cuba en 2008, quand un matin j’ai été arrêté par la police de l’immigration et traité comme un gros voyou. C’était terrifiant, ils m’ont foutu en taule avec mépris. Quand je demandais ce que j’avais fait, ils me répondaient : “Vous le savez aussi bien que nous.” Pendant toute la journée, je réfléchissais sans trouver ce que l’on pouvait me reprocher. Vers 17 heures, des gens sont venus : “On est Interpol, vous faites l’objet d’une notice rouge.” Je ne savais même pas ce que ça voulait dire. “Vous êtes suspecté d’abus sexuels sur mineurs au Cambodge.” C’est pour ça qu’ils m’avaient si mal traité, ils pensaient que j’étais un pédophile qui sévissait sur leurs plages. Ma chance, c’est que la police cubaine est très efficace, elle a des informateurs partout. C’était le lundi, ils ont mis une semaine à vérifier qu’il n’y avait rien de ce genre à me reprocher à Cuba. Et le samedi ils m’ont expulsé vers la France. Au final, je crois que j’ai été le cas le plus rapidement sorti de la liste rouge par Interpol, mais ça a quand même pris cinq mois.
Mais que vous reprochait le Cambodge ?
C’est parti d’un reportage que j’ai fait pour le 20 heures de TF1 en 2003, sur le tourisme sexuel et le trafic des vierges : des filles de 15-16 ans “dépucelées” par des Chinois qui payent 1 000-1 500 dollars, parce qu’ils pensent que ça les immunise contre le sida. J’avais aussi filmé un Français qui faisait partie de ce qu’ils appellent les “résidents sexuels”, des étrangers qui vivent là parce qu’on peut avoir des prostituées pour deux ou trois euros. Je l’avais bien flouté mais ses parents l’ont reconnu à sa démarche et lui ont coupé les vivres… C’était un paumé, indicateur pour la police. Il est allé voir un général pour se venger en lui disant qu’ils allaient m’extorquer une rançon. J’ai alors été convoqué au ministère de l’Intérieur, où l’on m’a demandé 120 000 dollars pour avoir porté atteinte à l’image du pays. J’ai pu partir en signant un papier en disant que j’allais voir si TF1 était prêt à payer. J’ai été arrêté quand je suis revenu en 2006 ; l’ambassade a réussi à m’éviter la prison et j’ai pu partir clandestinement via la Thaïlande. Entretemps, ils avaient monté tout un dossier en payant des prostituées… Et le juge a émis une notice rouge.
Vous avez au final été relaxé…
Il y a d’abord eu deux condamnations. Et c’est Jean-Marc Ayrault qui a plaidé ma cause lors d’un voyage officiel. Il a finalement obtenu un nouveau procès et j’ai été acquitté. J’ai eu de la chance d’être arrêté à Cuba au final. Ce qui les a rebutés pour m’extrader directement vers le Cambodge, c’est que pour eux c’est loin et cher. Je ne savais pas du tout que j’étais recherché, sinon je n’aurais pas voyagé. Heureusement que je ne suis pas allé en Afrique ou en Asie… Si j’avais été au Laos, ils m’auraient envoyé au Cambodge, et là ça aurait pris des années pour que la France me libère des griffes de la justice cambodgienne. C’est quand même un fonctionnement super bizarre. Il suffit qu’un juge de province émette une notice rouge, ça part directement dans les tuyaux, et même si vous êtes au fin fond de l’Inde, vous êtes arrêté. Pourtant, à Interpol, ils savent très bien que beaucoup de pays corrompus se servent des notices rouges contre leurs dissidents en les faisant passer pour des droit commun.