Le Lanceur

Numéro 23 : il y a bien un pacte secret de corruption

Affaire-Numero-23

© photomontage Tim Douet

Comme Lyon Capitale l’a longuement démontré dans différents articles, le pacte liant Pascal Houzelot à ses drôles d’actionnaires prévoit expressément la vente de la chaîne à partir de… janvier 2015 ! Alicher Ousmanov, l’oligarque russe, dispose bien d’une minorité de blocage. Le Qatar est aussi présent dans le capital. Enfin, Bernard Arnault et Xavier Niel se sont prévu un bonus, à toucher au moment de la cession. À part ça, rien d’autre à signaler dans la “chaîne de la diversité”.

Quand on prêche tout seul dans un désert pendant trois ans, le risque est de se décourager ou de mourir de soif. Il faut aussi compter avec les rumeurs nauséabondes, les pressions, manipulations et autre intimidations plus ou moins directes que les quelques journalistes ayant vraiment travaillé sur le sujet connaissent par cœur, tour à tour accusés de fascisme, populisme, racisme, homophobie, intégrisme catholique, quand ce n’est pas “membres d’une secte”. Et puis le désert finit par se peupler, la ligne de crête s’adoucit, les informations sortent et c’est simplement normal, dans un État de droit. Les faits sont têtus…

Ainsi, le 21 octobre 2013, un pacte d’actionnaires a été signé entre Pascal Houzelot et UTH Russia, le groupe d’Alicher Ousmanov. Le milliardaire verse alors 10 millions d’euros et assortit sa vraie-fausse générosité d’une clause qui “prévoit une vente de la société dès que possible, à partir de janvier 2015”.Miracle, voilà qu’Alain Weill sort du bois et se porte candidat pour acheter ladite chaîne, le faisant publiquement savoir en avril – l’opération était déjà bouclée, ne restait qu’à obtenir l’agrément du CSA, ce petit détail pour lequel le patron de BFM ne voyait “aucun obstacle juridique”.

En début d’année, une fausse mise sur le marché de Numéro 23 est même organisée, histoire de noyer le poisson dans cette eau trouble, voire saumâtre. Nicolas de Tavernost, le patron de M6, comme l’auteur de ces lignes seront par exemple ostensiblement approchés par des banquiers d’affaires, pour qu’il soit bien dit et répété que cette vente n’était pas secrète mais tout à fait connue sur la place publique – une brève sera publiée pour acter le tout. Sauf que le pacte était déjà scellé en amont et que toute personne non incluse dans l’escroquerie initiale (toute personne honnête, en fait) n’était évidemment contactée que pour servir d’alibi en cas de problème.

Le vrai patron de Numéro 23, c’est Ousmanov

© Marie-Lan Nguyen / Wikimedia Commons

On rappellera au passage que l’article 40 de la loi de 1986 interdit à un étranger (au sens “extracommunautaire”) de disposer de plus de 20 % du capital social ou des droits de vote d’un média français. Avec sa minorité de blocage, c’est bien Alicher Ousmanov qui apparaît comme le donneur d’ordres et par conséquent le vrai patron de Numéro 23 (lire ici). Le pacte précise qu’”aucune décision d’assemblée générale extraordinaire” ne saurait être prise “sans l’aval d’UTH Russia”.

Emporté par son élan de globe-trotter, l’ami “des handicapés et de toutes les diversités” Pascal Houzelot signe au mois de mai 2014 un accord avec Qipco (Qatar Investment & Projects Development Holding Company) détenu par l’ancien émir du Qatar, qui a abdiqué au profit de son fils il y a deux ans.

Enfin, les autres actionnaires français (dont Xavier Niel et Bernard Arnault) ont financé la chaîne fantôme sans programmes ni public via un prêt obligataire et ont apporté 9 millions d’euros (14 millions au total pour le prêt consenti à Numéro 23). L’existence de ce pacte (dans lequel figure la fine fleur du CAC 40, le Qatar et la Russie) ne pouvait en aucune manière être ignorée d’Alain Weill (RMC, BFM), qui s’est porté acquéreur de la chaîne Numéro 23, après que celle-ci eut été sauvée, comme d’ailleurs RMC Découverte, à la faveur de retraits de recours au Conseil d’État, au nom de “l’intérêt général et de la préservation de la filière audiovisuelle française” et pour ne pas faire, par ricochet, des “victimes collatérales”. Après avoir fait du chantage à Olivier Schrameck à propos du passage éventuel en TNT gratuite de LCI, Alain Weill a poussé son avantage jusqu’à Numéro 23, qui s’est révélé être le coup de trop.

Le pillage de la ressource publique

Numéro 23, chaîne TNT gratuite, a bien été offerte en 2012 par le CSA de Michel Boyon (présidé de fait par Nicolas Sarkozy) à un attelage en apparence hétéroclite, dont l’un des objectifs (car il y en a d’autres, que nous détaillerons plus tard) était de dégager une énorme plus-value de 90 millions d’euros. Dans cette affaire à tiroirs (dont on imagine mal aujourd’hui qu’elle se conclue favorablement), Pascal Houzelot n’aura été qu’un vecteur bien commode, le pont avancé d’un vaste système transversal et parasitaire qui, via “l’entregent” et “les réseaux”, prospère sur le bien public en revêtant les habits des causes les plus nobles et à ce titre difficilement attaquables.

Reste toujours la question de fond, lancinante : des rétrocommissions étaient-elles prévues pour financer la campagne présidentielle de 2017, alors même que les acteurs de Bygmalion et Patrick Buisson (quand ce dernier était encore en grâce) tiraient les ficelles dans l’appel à candidatures truqué d’octobre 2011 ? Question subsidiaire : un pourcentage était-il prévu pour les chevau-légers de la sarkozie qui ont permis, facilité et pour certains organisé cette escroquerie assez sophistiquée, au CSA comme à l’Élysée ? Ce serait un nouveau volet dans l’affaire : celui de l’enrichissement personnel. En Italie du Sud, on est plus prudent, les pactes sont exclusivement de tradition orale et malheur à celui qui écrit une ligne. Tolérance ou intolérance zéro, ce n’est jamais qu’une histoire d’anamorphose.

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