Lelanceur.fr publie ici le rapport de la commission d’enquête parlementaire qui a étudié les conditions d’attribution et de revente de la chaîne Numéro 23. Un rapport aussi virulent est inédit sous la Ve République.
Dans cette affaire d’État que je dénonce depuis le début de l’année 2012, il y a donc cinq ans, rien ne m’aura été épargné. Coups bas, insinuations nauséabondes, calomnies, intimidations, menaces ont régulièrement émaillé mon quotidien. J’ai choisi d’y répondre calmement, en portant à la connaissance du grand public l’ensemble des faits ayant conduit le CSA de Michel Boyon, sous la houlette de la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy, ex-président de la République, à attribuer une chaîne de la TNT gratuite – dans le seul but d’une revente rapide avec plus-value de quasiment 100 millions d’euros (pour qui ?) – à un lobbyiste sans foi ni loi reconverti dans le jardinage exotique, Pascal Houzelot, marionnette d’Étienne Mougeotte (pour la main droite) et de Pierre Bergé (pour la main adroite), as du carnet d’adresses et de la carambouille version Village People.
Cette chaîne, dont le seul capital – l’autorisation publique d’émettre – est cédé par étapes au Franco-Israélien Patrick Drahi, l’homme qui valait moins 50 milliards, champion des paradis fiscaux et des écrans de fumée, n’a toujours pas de public, pas de salariés, ne respecte pas les (rares) engagements prévus dans sa convention écrite au CSA par une main experte, mais commence à diffuser des matchs de football anglais, dont le Tycoon a acquis les droits et dont Alicher Ousmanov, oligarque ouzbéko-russe proche de Vladimir Poutine, est un acteur majeur.
Le déshonneur de la profession
Rappelons ici que cet ancien patron de Gazprom, première fortune britannique et septième fortune russe, était, via un pacte d’actionnaires frauduleux dissimulé au CSA durant dix-huit mois, cogestionnaire de la chaîne, contrevenant ainsi à toutes les lois françaises, sans qu’il se soit jamais rien passé. On est très loin de “la promotion de la diversité” vantée dans toutes les communications de Numéro 23, relayées par des journalistes serviles et incultes qui sont le déshonneur de la profession – si le journalisme est une profession, c’est alors une profession de foi.
Je veux rendre ici hommage aux personnes honnêtes et courageuses qui m’ont fidèlement et solidement accompagné tout au long de cette aventure dans les arcanes de l’État, des partis politiques et du CAC 40 – aventure qui est loin d’avoir livré tous ses secrets : Christian Latouche, président-fondateur de Fiducial, mon père spirituel, mon père tout court ; les députés Martine Martinel (PS), Marcel Rogemont (PS), rapporteur de la présente commission d’enquête, et Bernard Debré (LR), lequel a préféré la vérité toute nue aux logiques partisanes de son groupe politique, uniquement occupé à protéger Nicolas Sarkozy et sa majorité d’alors ; Thierry Braillard, secrétaire d’État aux Sports, qui, lorsqu’il était député (Parti Radical), a porté cette affaire à l’Assemblée nationale (précisons qu’à cette époque nous ne nous connaissions pas) ; quelques journalistes à contre-courant des moutons de Panurge, Laurent Mauduit, cofondateur de Mediapart, Marc Baudriller (Challenges), Michel Revol (Le Point), Le Canard enchaîné dans son ensemble, qui, fidèle à sa tradition, a résisté à toutes les pressions – et elles étaient inhabituellement nombreuses et puissantes ; des hommes de télé tels que Christophe Beaugrand (LCI) et, plus surprenant, Martial Bild (TV Libertés), qui m’ont ouvert leur plateau et ne m’ont pas censuré ; Olivier Schrameck, actuel président du CSA, dont j’ai pu apprécier la loyauté et l’intelligence et Mémona Hintermann-Afféjee, conseiller du CSA, pour sa confiance attentive et son instinct (intact) de journaliste ; Jean-Jacques Cordival, syndicaliste courageux du blog CGC des médias ; Laurence Marion, rapporteur public du Conseil d’État, désavouée par une section du contentieux totalement indigne ; les hauts fonctionnaires qui après une première (courte) période légitime de doute ont choisi de m’aider et de me guider dans mes recherches, tant ils étaient scandalisés et écœurés par ce qu’ils voyaient et avaient à traiter ; enfin, mes proches et mes équipes, à Fiducial, Lyon Capitale, Le Lanceur et Sud Radio, pour tout ce que je leur ai fait subir, parfois à des heures indues, samedis, dimanches et jours fériés compris.
Prisonniers de leur propre système concentra(c)tionnaire
Je ne passerai pas sous silence les personnes qui ont tenté (en vain) de torpiller méthodiquement mes travaux, sans jamais répondre sur le fond mais en choisissant (en vain) de salir ma réputation. Néanmoins, je ne dirai pas, à l’instar d’un ex-futur président de la République, que je les emm… – ma maman ne serait pas contente – mais au contraire que je les aime parce que je les plains, tant ils sont prisonniers de leur propre système concentra(c)tionnaire : Pascal Houzelot et son réseau de “journalistes” – Caroline Sallé et Enguérand Renault (Le Figaro), qui m’ont accusé, sans rire, dans le premier quotidien de France (mon ancienne maison) d’appartenir à “la fachosphère antisémite, raciste et homophobe”, Alexandre Picard (Le Monde) toujours prompt à tresser des couronnes de lauriers à Numéro 23 sans jamais me donner la parole ; des hommes de médias tels qu’Étienne Mougeotte, qui a personnellement caviardé tous les articles s’intéressant de trop près à son protégé Houzelot (récemment encore dans Valeurs actuelles), Pierre Bergé, téléphonant directement à des patrons de presse avec son style inimitable de vieux baron décadent et toussotant, ou encore Alain Weill, qui, d’après ce que j’ai eu à en connaître, ne semble respecter rien ni personne, même pas sa propre parole ; des hommes politiques tels que Franck Riester (LR), ami proche de Pascal Houzelot et concessionnaire Peugeot aux tarifs attractifs n’hésitant pas à sortir ses griffes, Christian Kert (LR), qui a passé son temps à discréditer la commission d’enquête dont il est pourtant président (!), Patrick Bloche (PS) qui siège dans toutes les fromageries culturelles de la Généreuse République Française et prend la pose au théâtre. Je ne parlerai pas de Michel Boyon et de ses amis, ni du cabinet de Nicolas Sarkozy et de ses affidés, la liste serait trop longue et puis elle est de toute façon évidente, il suffit de lire mes deux précédents ouvrages – La TNT, un scandale d’État (Numéro 23, etc.) et “Hé, oh ! on est chez nous” (La télé française entre no man’s land et mafia d’État) – et le présent rapport pour s’en convaincre.
Au tour du parquet financier
Au cours de la réunion du jeudi 8 décembre 2016, la commission d’enquête a procédé à l’examen de son rapport. Amoureux de la démocratie, j’ai choisi de publier l’intégralité du rapport en question (il est public), y compris la “contribution” du groupe Les Républicains, même si cette dernière ne s’apparente qu’à une remise en cause de ses propres travaux (!) –d’ailleurs exclusivement sur des questions de forme, le fond n’étant pas sérieusement contesté. Un rapport aussi virulent, voici qui est inédit sous la Ve République ! Il reprend l’intégralité de l’enquête que j’ai conduite durant ces longues années et la confirme sous tous ses aspects et dans toutes ses dimensions. C’est bien entendu à la justice de prendre désormais le relais, pour ne pas que cette escroquerie sophistiquée, se chiffrant (au moins pour ce que l’on connaît) à plusieurs dizaines de millions d’euros, réalisée sur le dos des citoyens contribuables, reste une fois encore impunie. Une plainte a été déposée durant l’été 2015, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet national financier à l’automne de la même année, elle est toujours en cours.
J’aime mon pays. J’ai confiance en sa justice.
Didier Maïsto, le 15 décembre 2016
Numéro 23 – Rapport de la commission d'enquête parlementaire by Le Lanceur on Scribd