Une enquête réalisée par plus de 100 journaux a “dévoilé” le 3 avril des avoirs dans les paradis fiscaux de 140 responsables politiques ou personnalités de premier plan, parmi lesquels Vladimir Poutine et ses proches, Patrick Drahi, l’homme le plus endetté du monde, et Al-Thani, ancien émir du Qatar. Point commun ? Ils sont tous, de façon directe ou indirecte, partie prenante dans les médias français et francophones, mais aussi dans l’escroquerie de la chaîne TNT Numéro 23, que le Conseil d’État vient néanmoins de blanchir. Lyon Capitale n’a pas attendu ces “révélations”, qui dénonce inlassablement cette corruption internationale depuis 2012.
À l’issue d’une “enquête qui aura duré presque un an”, 107 rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) de Washington, ainsi que le journal allemand Süddeutsche Zeitung, destinataire de la fuite, ont “révélé” le 3 avril une nouvelle liste de propriétaires de comptes offshore. Le collectif de journalistes a eu accès aux 11,5 millions de documents contenant les noms de nombreuses personnalités liées au monde des comptes offshore.
À l’origine de ces “révélations”, les archives d’un cabinet d’avocats panaméen, Mossack Fonseca, spécialisé dans la domiciliation de sociétés offshore depuis la fin des années 1970, qui auraient permis à plus de 300 journalistes d’établir des listes précises. Ces “Panama Papers” révèlent que des milliers de personnes anonymes, une dizaine de chefs d’État, des milliardaires célèbres, des grands noms du sport et certaines célébrités auraient recouru aux mêmes montages offshore pour dissimuler leurs actifs. Rien de nouveau sous le soleil pour Lyon Capitale.
L’Express, un magazine panaméen ?
Si tous les salariés de L’Express, dont les ventes en kiosques peinent aujourd’hui à dépasser les 15.000 exemplaires en dépit de la nouvelle formule CSP++++, ont bien compris la nécessité d’une réforme, ils s’interrogent sur l’absence de stratégie d’Altice en termes de contenu. Ils ont l’impression, comme le résume l’un d’entre eux, d’être “traités comme des boîtes de petits pois” au nom “du sacro-saint principe du cost killing”. En assemblée générale, une salariée avait parfaitement synthétisé la situation : “Nous ne savons toujours pas pourquoi Patrick Drahi a acheté L’Express.”
Outre la volonté d’une reconnaissance du gotha (c’est ce que disent la plupart des journalistes “média” français, qui passent l’essentiel de leur temps sur Twitter et Facebook à brasser du vide), un banquier d’affaires européen apporte d’autres éléments de réponse, plus sérieux. Il s’était confié à Lyon Capitale le 17 octobre 2015 : “Ce qui compte pour Patrick Drahi, c’est d’avoir du contenu captif pour vendre et justifier ses contenants. Il raisonne comme un ingénieur et comme un financier, pas du tout comme un homme de médias, c’est ce que vous avez du mal à comprendre en France. Son rêve serait de câbler la terre entière, et si, pour y parvenir, il faut mettre quelque chose dans les tuyaux, il n’hésitera pas. Mais cet aspect est pour lui vraiment secondaire. C’est un pragmatique qui aime et qui fait de l’argent, ce n’est pas un rêveur.”
La loi de 1986 limitant les capitaux étrangers dans la presse est-elle respectée ?
Étonnamment, ce que nul ne semble avoir relevé – c’est pourtant le point le plus important – c’est le fait que les étrangers ne peuvent, depuis la promulgation de la loi n°86-897 du 1er août 1986, procéder à une acquisition ayant pour effet de porter, directement ou indirectement, leur part à plus de 20 % du capital social ou des droits de vote d’une entreprise éditant une publication de langue française.
À supposer que Patrick Drahi soit de nationalité française (ce qui à ce jour n’est toujours pas clair, c’est le moins que l’on puisse dire), en vertu de la loi est “étrangère toute société dont la majorité du capital social ou des droits de vote est détenue par des étrangers, ainsi que toute association dont la majorité des dirigeants est étrangère”. L’article 12 de la loi du 1er août 1986 établit que “toute personne, qui en son nom personnel ou comme représentant d’une personne morale, aura été partie à cette convention prohibée, sera punie d’une peine d’emprisonnement d’un an au plus et d’une amende maximale de 30 000 euros”.
Le choix du Panama ne doit rien au hasard
Cela bien entendu sous réserve des engagements internationaux souscrits par la France et comportant soit une clause d’assimilation au national, soit une clause de réciprocité dans le domaine de la presse. Ainsi, le choix du Panama pour la maison mère de L’Express ne doit rien au hasard et la fiscalité n’explique pas tout. Les relations de la France et du Panama sont, de l’aveu même de notre diplomatie, “au beau fixe”.
L’entretien de François Hollande avec le président Varela, en marge du sommet Union européenne et Communauté des États latino-américains et des Caraïbes, le 10 juin 2015, “a relancé un dialogue de haut niveau. Notre relation avec le Panama s’articule autour de deux priorités : la diplomatie économique et la coopération dans les domaines de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur”, peut-on lire sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères.
“La présence économique de la France dans ce pays s’est fortement consolidée depuis les années 2000 (…) Nos entreprises ont pris part à de nombreux projets de grande ampleur, accompagnant le développement du Panama. (…) Les investissements français sont relativement diversifiés : ils sont le fait de près de 20 filiales de grands groupes. (…) Une moitié de ces grands groupes s’est implantée au cours des cinq dernières années et la plupart utilisent le Panama comme plate-forme régionale d’action et d’animation de leurs réseaux de filiales et de clients dans la région, tout en gardant un regard sur le marché local.”
La France, paradis du double langage ?
Tout cela est bel et bon. À ceci près que le Panama reste un paradis fiscal de première catégorie et que, pour être considérée comme une société de nationalité française, il ne suffit pas à la société actionnaire d’avoir un siège social en France ou d’être régie pour sa constitution et son fonctionnement par le droit français des sociétés. Elle doit aussi faire l’objet d’un contrôle par des intérêts français. Il convient par conséquent de s’assurer de la nationalité de chaque actionnaire (personne physique ou personne morale) par application de critères tels que le siège social et le contrôle, et ce jusqu’à la connaissance certaine de la nationalité du détenteur indirect d’actions de la société. Par ailleurs, se pose la question de l’origine des fonds, lesquels ne deviennent pas européens par le simple fait qu’ils transitent par des établissements ayant leur siège au sein de la Communauté européenne.
“Toutes les informations donneront lieu à des enquêtes des services fiscaux et à des procédures judiciaires”, vient de déclarer François Hollande lors d’une visite d’entreprise à Boulogne-Billancourt. Il a par ailleurs remercié “les lanceurs d’alerte et la presse” pour les révélations “Panama Papers”, qui vont permettre, selon lui, de nouvelles “rentrées fiscales”… On attend en effet une inversion de la courbe.
Le summum de l’opacité, c’est Numéro 23
Comme l’a révélé Lyon Capitale dans un silence médiatique alors assourdissant, la chaîne fantôme Numéro 23 a fait entrer à son capital en octobre 2013 le groupe russe UTH, avec un pacte d’actionnaires secret prévoyant une “cession rapide” de la chaîne (dès le début de l’année 2015), ce qui correspond à la virgule près… à ce qui a été écrit dans la convention de la chaîne, rédigée par Michel Boyon et sa petite main Emmanuel Gabla. La chaîne des tatoueurs et des maquilleurs était en passe d’être vendue au groupe NextRadio TV présidé par Alain Weill pour un montant de 88,3 millions d’euros, lequel s’est vendu en parallèle à Altice Média, un sous-groupe d’un sous-groupe de droit luxembourgeois contrôlé par Patrick Drahi, dans l’indifférence générale ou presque.
Dans sa décision historique d’octobre 2015 (une première après l’extinction de La Cinq en 1992) le CSA (version Olivier Schrameck) avait courageusement considéré que cette cession prévue dès la signature du pacte d’actionnaires de Numéro 23 était en contradiction avec la finalité poursuivie par le législateur et constituait “un abus de droit entaché de fraude”. Le Conseil d’État, contredisant son propre rapporteur public, aura finalement cassé la décision du CSA. Peu importe : plus l’habillage est juridiquement ciselé, plus l’escroquerie est avérée.
La loi de 1986 sur l’audiovisuel n’est pas davantage respectée
Gardons-nous de la moindre insinuation xénophobe, mais la question de la nationalité de Patrick Drahi est là encore primordiale dans la mesure où la loi de 1986 sur l’audiovisuel interdit à tout étranger (au sens extracommunautaire) de posséder plus de 20 % d’une chaîne de télévision (chaînes historiques et TNT), exactement comme pour la presse écrite. Ainsi, alors que nos confrères de Challenges étaient en train d’élaborer leur classement 2013 des 500 fortunes françaises, ils ont été destinataires, le 31 mai de la même année, d’une lettre signée de l’avocat de Patrick Drahi, un certain Alexandre Marque du cabinet Franklin spécialisé notamment dans l’optimisation fiscale, les sommant de ne pas intégrer son client dans leur top 500.
L’argument invoqué était le suivant : “M. Drahi a pris la nationalité israélienne et renoncé à la nationalité française. La perte de la nationalité lui est définitivement acquise. Il ne s’agit pas d’une double nationalité franco-israélienne.” Impossible donc de le considérer comme une fortune… française. À la suite de l’émoi suscité au moment du rachat de SFR, en mars 2014, sa garde rapprochée avait bricolé des explications de dernière minute : “Au moment où il a demandé la nationalité israélienne, il n’a pas fait dans les temps les démarches pour abandonner sa nationalité d’origine. Cela s’est joué à quinze jours près”, avait-elle déclaré.
Un entrepreneur planétaire ou un marchand de sable ?
Tout éditeur de services détenteur d’une autorisation doit obtenir un agrément du Conseil supérieur de l’audiovisuel en cas de modification du contrôle direct ou indirect (au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce) de la société titulaire de l’autorisation. Cet agrément fait l’objet d’une décision motivée et il est délivré en tenant compte du respect par l’éditeur, lors des deux années précédant l’année de la demande d’agrément, de ses obligations conventionnelles relatives à la programmation du service, cette dernière disposition constituant une nouveauté de la loi relative au deuxième dividende numérique, disposition qui a permis au régulateur de sécuriser – pensait-il – sa décision d’abrogation de l’autorisation de Numéro 23.
Si tout le monde est conscient du fait que l’audiovisuel a besoin de stabilité et de groupes solides, il est légitime de s’interroger : Patrick Drahi est-il un entrepreneur génial ou un prestidigitateur de la finance engagé dans une fuite en avant qui se soldera par une faillite ? Quand on étudie – non sans mal, tant l’homme brouille les pistes – l’organigramme de sa myriade de sociétés, une chose est certaine : il vaut mieux être concentré et disposer d’un peu de temps. Une véritable galaxie, ou plutôt une nébuleuse !
Résident fiscal suisse depuis 1999, en dépit des remarques acerbes d’Arnaud Montebourg et de Fleur Pellerin, Patrick Drahi est toujours officiellement domicilié à Zermatt, où les forfaits fiscaux sont encore plus avantageux que ceux du canton de Genève. Mais son appartement est vide et personne ne l’y voit jamais…
L’impératif fondamental de pluralisme
Le ministre du Redressement productif avait ainsi déclaré au micro d’Europe 1 : “Numericable a une holding au Luxembourg, son entreprise est cotée à la Bourse d’Amsterdam, sa participation personnelle est à Guernesey dans un paradis fiscal de Sa Majesté la reine d’Angleterre, et lui-même est résident suisse ! Il va falloir que M. Drahi rapatrie l’ensemble de ses possessions, biens, à Paris, en France. Nous avons des questions fiscales à lui poser !” Depuis, nous avons toutes les réponses. Et donc ?
Si la loi du 30 septembre 1986 limite la présence extracommunautaire à 20 % dans les sociétés audiovisuelles, c’est précisément pour garantir le pluralisme, dont le CSA est le gardien. Imagine-t-on un seul instant qu’une puissance étrangère ou une multinationale, quelles qu’elles soient, se servent de la télévision et de la radio françaises pour orienter l’information à leur profit ?
L’objectif du pluralisme est justement de garantir que les téléspectateurs et les auditeurs, qui sont au nombre des bénéficiaires de la liberté de communication, disposent d’une information politique diversifiée qui ne les prive pas de la capacité d’exercer leur liberté d’opinion et de choix dans la mesure où ils sont aussi des électeurs. Rappelons au passage que Paris Première n’a pas été autorisée sur la TNT gratuite parce que, notamment, l’étude d’impact du CSA avait conclu que la chaîne aurait “porté atteinte à l’impératif fondamental de pluralisme” et fait baisser l’audience de Numéro 23…
Le lien entre le principe de pluralisme et la vie démocratique a d’ailleurs été établi à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel. Celui-ci a estimé en ce sens que “le respect du pluralisme est une des conditions de la démocratie” (décision n°86-217 DC, 18 septembre 1986) et que le pluralisme “constitue le fondement de la démocratie” (décision n°89-271 DC, 11 janvier 1990). On le voit, ce n’est pas du détail.
Plus de dette, c’est plus de licenciements
Ce qui n’est pas non plus du détail, c’est l’endettement colossal du groupe de Patrick Drahi : 48 milliards d’euros connus à ce jour ! Cette dette commence à sérieusement inquiéter les marchés, car elle représente plus de deux fois le chiffre d’affaires et surtout plus de six fois le résultat brut du groupe. De plus, les obligations sont très mal cotées et la confiance, qui est le principal moteur de la Bourse, s’est considérablement effritée ; pis, la valeur d’Altice a fondu de moitié en un an ! Difficile enfin de justifier un projet d’entreprise à long terme dans les médias, quand il s’agit de faire porter les coûts du remboursement de la dette sur le reste de la société et à licencier à tout-va pour rassurer ses actionnaires et ses créanciers, comme le constatent à leurs dépens les journalistes de L’Express.
L’homme des médias de Poutine retrouvé assassiné
Souvenons-nous : il y a quelques mois, en novembre 2015, un millionnaire proche du président russe Vladimir Poutine est retrouvé mort dans une chambre de l’hôtel The Dupont Circle à Washington. Il s’agissait de Mikhaïl Lesin, ancien ministre de la Communication, accusé par l’opposition d’avoir muselé les médias en Russie. Les circonstances de ce décès viennent tout juste de conclure à un assassinat.
Ce proche du président russe a contribué à la fondation de Russia Today (RT), un groupe de médias en langue anglaise soutenu par le gouvernement russe, qui affirme vouloir “donner une perspective alternative aux grands événements mondiaux [avec] un point de vue russe”. Les enjeux stratégiques sont de taille, le conflit syrien et l’attentat contre l’A321 russe en Égypte sont encore dans tous les esprits.
Ministre de la Communication entre 1999 et 2004, puis conseiller de Vladimir Poutine, Mikhaïl Lesin a aussi été directeur général de la holding médias du géant pétrolier russe Gazprom. Un pétrolier que l’on retrouve de façon directe ou indirecte dans ces affaires médiatico-politiques, en Russie mais aussi en France, comme Lyon Capitale l’a révélé en juin 2015 à propos du pacte de corruption scellé dans Numéro 23.
Fait troublant, en juillet 2014, le sénateur américain Roger Wicker avait réclamé une enquête fédérale sur Mikhaïl Lesin pour savoir s’il ne blanchissait pas de l’argent aux États-Unis ou s’il n’était pas en contact avec des personnes visées par des sanctions américaines. Lesin avait en effet acquis pour plusieurs millions des biens en Europe, ainsi que plusieurs résidences à Los Angeles pour plus de 28 millions de dollars. “Qu’un fonctionnaire russe ait pu amasser des biens aussi importants pose de graves questions”, avait estimé l’élu américain, dans une lettre au ministre de la Justice de l’époque, Eric Holder, datée du 29 juillet 2014.
Russia Today en France
Irakly Gachechiladze, le président de RT France, expliquait lors d’une présentation il y a quelques mois au Marché international de l’audiovisuel de Cannes, qu’il souhaitait passer d’un fil vidéo diffusé sur le Net à une chaîne dotée de 60 à 70 % de contenus originaux en français, “une sorte de France 24 russe” parfaitement assumée et même revendiquée. Gachechiladze assure que “de grands journalistes français” apporteront leur concours à la chaîne et “un talk show” serait même prévu.
La bataille médiatique et linguistique est cruciale, tant il s’agit de peser sur la politique internationale en captant l’audience francophone (220 millions de personnes aujourd’hui et 700 millions en 2050, selon l’ONU). Diffusée dans un premier temps sur le satellite et via les box Internet, RT rejoindra ainsi France 24, i24 News (l’étrange chaîne de Patrick Drahi), CCTV4 (la chaîne chinoise qui émet en français en Afrique) et Al-Jazeera, la chaîne qatarie qui émet en arabe, en anglais, en turc et en serbo-croate.
De l’importance de la loi audiovisuelle de 1986
À l’occasion de nos diverses auditions au CSA cet automne (passage en gratuit de LCI et Paris Première, passage de SD en HD, audition des tiers sur l’escroquerie Numéro 23…), nous n’avions cessé de mettre en garde relativement au respect de la loi audiovisuelle de 1986, bafouée à longueur de temps. Compte tenu de la situation internationale, il est devenu totalement absurde de ne regarder les concentrations dans l’audiovisuel qu’à travers le prisme franco-français. Comme le dit une publicité, “papa, le monde a changé” et il est temps de se réveiller : Patrick Drahi n’a pas acheté NextRadioTV (BFM, RMC et bientôt, espère-t-il encore, Numéro 23), le groupe d’Alain Weill, seulement pour ses beaux yeux ou parce qu’ils sont des amis de vingt ans.
C’est aussi une vision du monde qui est en jeu : diffuser sur des chaînes françaises d’info TNT des programmes prédigérés par les censures russe, qatarie, chinoise ou israélienne (mais toutes passées par la lessiveuse panaméenne) pose de sérieuses questions quant à l’indépendance même de notre pays, car c’est bien de censure qu’il s’agit (ou de militantisme, ou d’autocensure, qui n’en sont que les variantes plus ou moins sophistiquées). Au-delà de l’assassinat de Mikhaïl Lesin, c’est bien la sempiternelle question de la démocratie et du pluralisme qui est posée.
Chaises musicales
Comment y apporter une réponse saine et impartiale quand, par exemple, un Camille Pascal, ancien secrétaire général de France Télévisions, traitait avec Bygmalion sous la présidence de Patrick de Carolis, pour se retrouver ensuite au cabinet du président de la République Nicolas Sarkozy et tirer les ficelles des attributions de canaux TNT d’un CSA aux ordres… pour enfin siéger au Conseil d’État ? Tour à tour acteurs, juges, parties, avocats, procureurs, ils sont quelques-uns à illustrer de façon éclatante l’abus de droit entaché de fraude, pour reprendre la formule du CSA. Il ne s’agit même plus de se cacher, juste de changer de costume.
Ce n’est guère plus glorieux à gauche, où le conseiller d’État David Kessler, qui avait défendu la chaîne Numéro 23 en séance publique au CSA pour le compte de Matthieu Pigasse, aux côtés de Pascal Houzelot (qu’on ne présente plus), de Valérie Bernis (cadre dirigeant chez Engie) et de Damien Cuier (Bygmalion), s’est ensuite retrouvé… à l’Élysée, conseiller de François Hollande pour la culture et la communication jusqu’en novembre 2014 (aujourd’hui en poste chez Orange).
Comme l’écrivait Bourdieu il y a déjà vingt ans, dans son ouvrage, inégalé, intitulé Sur la télévision, “la télévision a une sorte de monopole de fait sur la formation d’une partie très importante de la population. Or, en mettant l’accent sur les faits divers, en remplissant ce temps rare avec du vide, du rien ou du presque rien, on écarte les informations pertinentes que devrait posséder le citoyen pour exercer ses droits démocratiques”. Dormez, braves gens ! BFM veille, qui diffuse depuis dimanche en boucle la liste des “évadés fiscaux” : Messi, Platini, Poutine, Cahuzac… mais point de Drahi, qui est, semble-t-il, resté au frigo.