Alors que l’exécutif réfléchit à des réformes dans le secteur audiovisuel et que le CSA réclame de nouveaux pouvoirs étendus, notamment, aux vidéos sur Internet – cachez ce sein que je ne saurais voir –, la seule vraie question est passée sous silence : à quoi sert le CSA ? Et, au-delà, quelle est l’utilité de la plupart des huit “autorités publiques indépendantes” et autres dix-huit “autorités administratives indépendantes” ?
Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Médiateur national de l’énergie, Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa), Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR)… Ils sont nombreux, ces comités Théodule censés réguler, commissionner, conseiller… Pour la plupart inconnus du grand public, à quelques exceptions médiatiques près, leur coût est néanmoins pharaonique : plus d’un demi-milliard d’euros par an. Entièrement payé par les contribuables, dans un pays où les prélèvements obligatoires atteignent un niveau record (45 %), sans que le résultat soit toujours probant. Il n’est qu’à constater l’état de l’école, de l’hôpital, de la justice, de la police ou de la gendarmerie. Les services publics ont méthodiquement déserté les campagnes, mais l’on continue à créer des métropoles qui lèvent l’impôt – sans supprimer les départements – comme à empiler les strates administratives et à créer, au final, de l’emploi fictif.
Aucune de ces “autorités” n’a jamais eu un rôle décisif : le CSA n’a pas empêché le scandale de la station de radio Nova implantée à Lyon par une OPA illégale sur une radio associative, ni celui de la chaîne Numéro 23 obtenue par fraude et revendue à prix d’or (presque 100 millions d’euros) à NextRadioTV (BFM/RMC), puis à SFR : le régulateur a au contraire organisé et mis en œuvre ces scandales, en parfait accord avec un pouvoir politique hélas corrompu, qui lui donnait des ordres, parfois jusqu’à la caricature.
De même, le dopage n’a jamais été aussi répandu et sophistiqué dans le sport de haut niveau, touchant de plus en plus de disciplines et des athlètes de plus en plus jeunes. Quant à la mission première de l’Acnusa, on se pince : “restaurer le dialogue, rétablir la confiance, faire que le développement du transport aérien ne pénalise pas les populations riveraines”… Et si on en parlait avec les zadistes ?
Comment en est-on arrivé là ?
C’est très simple, la France est la championne toutes catégories du mélange des genres. On peut ainsi être successivement nommé secrétaire général de France Télévisions puis secrétaire général du CSA, s’occuper ensuite des affaires audiovisuelles au cabinet du président de la République et se recaser après la défaite au Conseil d’État pour connaître et influencer des affaires dans lesquelles on a soi-même été impliqué dans ses précédentes fonctions. À part ça ? Tout va bien. Les exemples pullulent dans tous les domaines et des années d’enquête ne suffiraient pas à épuiser le sujet.
Ces autorités, qui n’ont pas grand-chose d’indépendant sinon leur sigle, sont devenues anachroniques, voire pour certaines parasitaires dans la France de 2018. Elles rédigent des rapports que personne ne lit, donnent des avis que nul ne consulte et ont cependant un vrai pouvoir de nuisance car elles font souvent obstacle à la manifestation de la vérité par leurs procédures opaques, d’une durée qui ne correspond ni aux intérêts des citoyens ni, de façon plus prosaïque, au temps et à la vie des affaires.
Ce sont des États puissants dans un État impuissant, comme autant de rouages essentiels de mécaniques décidément inutiles, qui tournent sur elles-mêmes et ne rencontrent que rarement le réel, si ce n’est pour le contraindre et l’acculer dans des impasses, avec des conséquences désastreuses pour les entreprises et leur personnel. Au final, ce sont les plus malhonnêtes qui en tirent profit, qui savent en actionner toutes les ficelles pendant que les “vraies gens” travaillent.
Ce que j’exprime ici, l’immense majorité des citoyens, mais aussi les praticiens de l’audiovisuel, du sport, de la presse ou encore de la santé, le partagent, sans toujours oser le formuler. J’en ai rencontré des centaines depuis des années et tous tiennent le même discours. Il ne saurait être question de déréguler tous les secteurs et de les livrer à la loi de la jungle. Bien au contraire, la régulation est nécessaire dans une société devenue très complexe. Mais cette régulation doit être transparente dans ses méthodes, irréprochable dans son fonctionnement ; elle doit accompagner les nouvelles technologies et les nouvelles pratiques d’une façon claire pour les citoyens.
La société est toujours plus en avance que les autorités administratives qui prétendent en maîtriser tous les ressorts. C’est bien la moindre des choses, dans une démocratie. Dès lors, que vient faire l’Agence française de lutte contre le dopage entre les fédérations et le ministère des Sports ? Pourquoi une Commission d’accès aux documents administratifs entre les administrations et les citoyens ? Pourquoi, encore, le Médiateur national de l’énergie entre les consommateurs et les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel ? Il est bien difficile de trouver des réponses et de justifier tous ces intermédiaires !
Le président de la République s’est donné pour ambition de transformer le pays. Quitte à être accusé de “bougisme” ou de “césarisme”, autant que cette révolution soit copernicienne et par conséquent utile aux Français : les autorités publiques et administratives indépendantes doivent être supprimées, car elles ne sont au centre de rien, sinon d’elles-mêmes. C’est une évidence. C’est le moment ! Comme le disait Emmanuel Macron il y a quelques jours, citant lui-même Georges Pompidou, “Arrêtez d’emmerder les Français !” Chiche ?