Népotisme ou simple boule puante, le candidat En Marche dans la 3e circonscription de Saône-et-Loire est suspecté d’avoir favorisé la boîte de communication de son neveu en tant qu’élu local.
La retentissante affaire Fillon a miné la campagne des Républicains. L’affaire Ferrand a discrédité le parfum de probité que voulait faire régner Emmanuel Macron. À la veille du premier tour des législatives, il n’est pas trop tard pour faire trembler l’adversaire, y compris à propos du Grand Autunois Morvan, 27.000 habitants au compteur. Alerté sur la situation de Rémy Rebeyrotte, président de la communauté de communes du Grand Autunois Morvan, qui a fait travailler l’agence de communication de son neveu, Le Lanceur n’a rien constaté d’illégal. Et les sommes en jeu semblent bien éloignées des affaires précitées. Mais quand un parti fait campagne sur la moralisation de la politique et la fin du népotisme, il est normal que la situation interroge et mérite d’être un peu approfondie. “Le candidat En Marche dans la 3e circonscription de Saône-et-Loire est Rémy Rebeyrotte. Il est maire d’Autun depuis 2001, a été vice-président du conseil général et siège comme président de la communauté de communes du Grand Autunois Morvan. L’entreprise qui prend la communication de la ville, de la communauté de communes ou d’organismes parapublics comme l’office de tourisme est LR Communicability.” Jusqu’ici, la dénonciation n’a rien de surprenant. Sauf que l’acronyme LR ne signifie pas Les Républicains, mais Laurent Reyberotte, le neveu de monsieur le maire.
Pourtant, aucune trace d’attribution de marché public par la mairie d’Autun, la communauté de communes, le conseil général ou régional sur le bulletin officiel des annonces des marchés publics. “Je ne préside jamais, par principe, les commissions d’appel d’offres, ni de la commune, ni de l’intercommunalité. Ce qui permet à mes collègues de retenir les personnes qu’ils souhaitent retenir. En général, c’est souvent la question du rapport qualité/prix qui l’emporte, ce qui vaut à l’agence en question de remporter très peu de marchés. En général, il est assez cher donc il ne remporte pas forcément les marchés”, indique Rémy Rebeyrotte. Viré du Parti socialiste pour sa candidature dissidente aux législatives de 2012, le candidat fait appel à la boîte de com’ de son neveu pour sa campagne, sous l’étiquette “La République en Marche”. “Mon neveu gère une agence à caractère privé, et nous n’avons en la matière que des relations strictement de travail, ajoute-t-il. Je paye largement le prix des prestations. C’est la seule agence de la ville donc je l’ai fait travailler, ce qui me semble assez logique. Il n’a aucune facilité pour accéder à la commande publique et il faisait d’ailleurs plus de marchés avant que je sois élu que depuis que je suis aux affaires. Je n’ai pas d’actions dans cette agence, je ne perçois aucun revenu de cet ensemble.”
Pas de bol, il y a beaucoup de Rebeyrotte et de Nicolao”
Autre donnée suspecte, “la salariée de la boîte chargée de la gestion des dossiers est Catherine Nicolao… l’adjointe du maire Rémy Rebeyrotte”. Vérification faite, l’adjointe à la communication du maire, Cathy Nicolao Valacci, et la numéro deux de LR Communicability, Catherine Nicolao, ne sont pas une et même personne, mais sont belles-sœurs. “Ici, ce n’est pas Paris et ses millions d’habitants. À Autun, nous sommes 15.000. On n’a pas de bol, il y a beaucoup de Rebeyrotte et de Nicolao”, plaide la seconde, insistant sur le fait que l’agence travaille “en majorité avec l’agriculture et les travaux publics”. Sur le site de LR Communicability, dans la rubrique “Collectivités”, plusieurs affiches, une vidéo, des plaquettes ont été réalisées pour la communauté de communes dirigée par l’oncle du patron. “Mais, si on regarde bien tout ce que la mairie d’Autun ou le Grand Autunois Morvan sort en communication et les miettes que nous avons… Les montants ne sont pas très chers et on ne pourrait pas vivre réellement si on ne travaillait qu’avec l’Autunois”, assure Catherine Nicolao. “Et puis je pense qu’il y a trois ou quatre ans que le site n’a pas été mis à jour”, ajoute-t-elle, en précisant que la majeure partie de leur activité se fait avec la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) au niveau national, mais aussi avec le conseil régional.
Le conseil régional pour la majorité de l’activité
La rubrique “Conseil en communication” du site de la société montre également plusieurs collaborations avec la mairie de Bourbon-Lancy, dirigée par la députée Édith Gueugneau, ex-vice-présidente du conseil régional de Bourgogne, exclue du Parti socialiste comme Rémy Reyberotte en 2012. “Je crois qu’il n’y a qu’une agence de com’ dans l’Autunois, donc ils se positionnent forcément sur beaucoup de demandes qui peuvent être faites, explique le directeur de cabinet de la mairie d’Autun, qui réfute un quelconque favoritisme. Nous avons un service communication qui édite le journal municipal et ne fait pas appel à une société. LR Communicability n’a pas non plus notre marché d’impression de documents et, pour refaire le site du Grand Autunois Morvan, nous avons passé une consultation et c’est une entreprise de Besançon qui a été choisie.” Selon Catherine Nicolao, la collaboration serait plus étroite avec le conseil régional, dans lequel a siégé Rémy Reyberotte entre 1998 et 2001, soit cinq ans après que son neveu indique (toujours sur le site Internet de la société) avoir démarré son entreprise. Pourtant, sur le site Société.com l’entreprise n’a été déclarée sous le nom “LR Communicability” qu’en 2005. Huit ans plus tard, en 2013, le chiffre d’affaires de cette entreprise de trois personnes était de près de 400.000 euros : une belle prouesse pour une agence de communication située dans une ville de moins de 15.000 habitants.
Mise à jour à 19h26 : Suite à la publication de cet article, Rémy Rebeyrotte a contacté la rédaction du Lanceur pour demander son retrait et préciser que son avocat étudiait le caractère diffamatoire des propos.