Inspirée par Irène Frachon et son combat pour dénoncer les effets du Mediator, Marine Martin se bat pour les familles qui, comme la sienne, n’ont pas été avertis des risques encourus par la prise d’un antiépileptique, la Dépakine, pendant leur grossesse. Exposés in utero, des milliers d’enfants sont aujourd’hui touchés par des malformations physiques majeures et des troubles neurodéveloppementaux.
À la tête de la première association à déposer plainte en action de groupe en matière de santé, Marine Martin continue de faire avancer la cause des “enfants Dépakine”. Un dossier lourd et à plusieurs volets, qu’elle porte par le biais de l’association Apesac. Malgré les avancées de la reconnaissance de liens de causalité entre les handicaps des enfants et la prise de Dépakine pendant la grossesse de leurs mères, Marine Martin déplore le déni des neurologues ou des généticiens, encore nombreux à refuser de poser le diagnostic. “À partir de 2006, les informations de la notice à destination des médecins étaient suffisamment claires pour se poser de très sérieuses questions. Pourtant, beaucoup ont continué à prescrire de la Dépakine à des femmes enceintes. Dans ce scandale, des neurologues vont être condamnés, donc ils ont un peu peur, explique-t-elle au Lanceur. Quant aux généticiens, ils ne veulent pas mettre en cause des laboratoires qui éventuellement pourraient financer leurs futurs projets de recherche”.
Près de 5 000 enfants touchés
La médiatisation de l’affaire a cependant permis de mieux connaître les pathologies liées à l’exposition au valproate de sodium in utero, à améliorer la prise en charge des familles et à informer plus largement sur les risques. “Que les médecins ne nous traitent plus de folles lorsqu’on évoque ce sujet-là, finalement, c’est déjà un énorme progrès”, estime Marine Martin. Le premier volet d’une étude publiée par l’Agence nationale du médicament et l’assurance maladie en avril dernier estime qu’entre 2 150 et 4 100 enfants sont victimes de malformations physiques majeures en France à cause de la prescription de valproate à des femmes enceintes. Sur la seule période 2011-2015, vingt-six types de malformations ont été relevés. Un deuxième volet qui concerne les troubles neurodéveloppementaux est attendu à la fin de l’année. Pour la publication de son livre, Marine Martin a fait croiser les données de son association avec celles de la Caisse nationale d’assurance maladie et le nombre de boîtes de Dépakine vendues par le laboratoire Sanofi. Résultat : un minimum de 14 000 victimes est évoqué. De son côté, Marine Martin a répertorié 4 886 enfants touchés. Si aucune solution réelle n’existe pour les femmes qui ne peuvent se passer de traitement antiépileptique, Marine Martin se bat pour qu’elles soient clairement informées des risques. “Nous savons aujourd’hui que le valproate modifie l’enveloppe de l’ADN et certaines études au niveau chimique estiment que la troisième génération va être touchée”. Récemment, elle a obtenu l’interdiction de prescription de la molécule en cause pour traiter la bipolarité, puisque d’autres traitements existent, ce qui permet de protéger les fœtus. “En 2016, il y avait autant de prescriptions de valproate pour traiter la bipolarité que pour traiter l’épilepsie”, rappelle-t-elle.
Pour Sanofi, “l’État paiera”
Comme pour le Mediator et à force de pressions, les portes de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) se sont ouvertes concernant le valproate de sodium, la molécule de la Dépakine, et ses dérivés. En décembre 2016, l’Assemblée nationale votait à l’unanimité cette procédure amiable pour laquelle Marine Martin est auditionnée le 7 septembre en tant que présidente de l’Apesac. En parallèle, l’association a saisi le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris pour ordonner la consignation de 400 millions d’euros par le laboratoire Sanofi.
“Sanofi n’assume pas !” dénonce Marine Martin. Dans son dossier personnel, l’expertise de la procédure civile a établi le lien de causalité entre la prise de Dépakine, les troubles autistiques de son fils et les troubles psychomoteurs de sa fille. Réaction du laboratoire : comme l’Assemblée a voté le fonds d’indemnisation de l’ONIAM, “l’État paiera”. “Je pense qu’aujourd’hui, la position de Sanofi est de dire que l’État reconnaît sa responsabilité et qu’il payera donc pour le laboratoire. D’une certaine manière, ils n’ont peut-être pas tort quand on sait qu’Emmanuel Macron a décroché son travail chez Rothschild grâce à un des dirigeants de Sanofi. Il peut alors être difficile pour lui de dire à Sanofi de payer. Nous verrons ce qu’il en sera. Mais il serait tout à fait scandaleux que ce soit finalement les impôts, le contribuable, qui paye – via le fonds – des indemnités aux victimes. Ce n’est pas normal”, dénonce-t-elle.
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