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Sébastien Huyghe, pourfendeur UMP de la “désindépendantisation” du CSA

Sebastien-Huyghe

© AFP

À l’occasion du processus de désignation de la présidence de France Télévisions, un certain Sébastien Huyghe, porte-parole de l’UMP, a rédigé et envoyé aujourd’hui aux rédactions un communiqué de presse se voulant drôle et spirituel. Raillant, dans un style assez maladroit, l’anaphore désormais éculée de François Hollande “Moi, président de la République”, le député du Nord, à la mémoire toute sélective, fait table rase du passé de l’UMP, comme si le CSA fantoche de Michel Boyon avait été un modèle de transparence, d’honnêteté et de vertu.

Spécialiste des questions judiciaires, selon son propre site Internet, ce notaire de formation semble ne pas connaître grand-chose à la vie des médias. Convenons à sa décharge qu’il n’est pas le seul et que le monde politique regorge de bourgeois gentilshommes : on se souvient d’un ancien secrétaire d’État UMP qui adorait lire “Zadig et Voltaire, l’ouvrage l’ayant le plus marqué dans sa vie”, ou encore du ministre café-philo de la Guerre BHL, qui évoquait dans son ouvrage essentiel, De la guerre en philosophie, l’œuvre de l’essentiel Jean-Baptiste Botul (en fait un canular littéraire créé par un vrai professeur de philosophie et journaliste au Canard, Frédéric Pagès). On devrait toujours lire, écrire et penser par soi-même, cela éviterait tellement d’impostures…

Mais revenons à notre Sébastien Huyghe, qui se plaint d’abord du fait qu’Olivier Schrameck, actuel président du CSA, ait été, bien avant cela, directeur de cabinet du Premier ministre Lionel Jospin. Certes… mais tout comme son prédécesseur Michel Boyon, ancien directeur de cabinet du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, se voit-on obligé de lui préciser.

Surfant ensuite sur ce qu’il a lu et entendu ici et là, le porte-parole de l’UMP poursuit : Ainsi la liste des candidats sera, à l’heure d’Internet et des chaînes d’informations continues (sic), l’un des secrets les mieux gardés de la République.” Certes… mais le CSA de l’ère Boyon avait bien contraint secrètement deux projets de chaînes TNT à fusionner (Urb et TVous la Télédiversité), viciant du même coup l’ensemble de l’appel à candidatures de 2011, se voit-on obligé de lui répondre. Le même CSA ayant attribué dans des conditions douteuses une chaîne à Pascal Houzelot, que le lobbyiste revend deux ans et demi plus tard 90 millions d’euros en réalisant une plus-value scandaleuse sur le dos des Français, pourrait-on ajouter.

Boyon, Buisson, Bygmalion : c’est tout bon

Dans la foulée, les auditions des candidats se tiendront à huis clos pour empêcher toute personne extérieure à l’autorité ainsi désindépendantisée (sic) de se faire une idée objective des qualités réelles des candidats retenus sur des critères maintenus volontairement mystérieux. Quelle modernité !” renchérit Sébastien Huyghe, empruntant cette fois les accents et les tics de langage de Nicolas Sarkozy. Rappelons-lui que, du temps de Michel Boyon, les décisions se prenaient uniquement à l’Élysée par un petit cénacle comprenant Patrick Buisson et Camille Pascal (un des acteurs du volet audiovisuel de l’affaire Bygmalion), décisions que le CSA appliquait avec zèle et docilité.

Quant à la dernière phrase du communiqué, nul besoin d’y répondre tant son puissant caractère tragi-comique s’impose de lui-même : Ainsi, moi président de la République, après avoir accusé de tous les maux mon prédécesseur [Nicolas Sarkozy, NdlR] qui avait pourtant agi dans la transparence sous le contrôle des deux assemblées parlementaires à l’issue d’auditions publiques, aurait installé par des moyens détournés dans le fauteuil de président de France Télévisions un candidat en dehors de tout contrôle démocratique dans des conditions et pour un projet qui ne regardent que moi.”

La critique, dans notre pays, est libre, et c’est heureux. Mais ce qui est vraiment triste, c’est qu’un parlementaire, tout occupé à défendre les couleurs de son champion, se soit cru obligé de commenter des décisions auxquelles il n’entend strictement rien, dans un secteur dont il ignore à peu près tout. Les médias en général et le service public en particulier méritent mieux que ça. Il est temps, “à l’heure d’Internet”, que cessent ces ridicules et permanentes tentatives d’instrumentalisation, surtout de la part d’une formation politique dont le chef se vantait de faire et de défaire les journalistes comme les patrons de chaîne au gré de ses caprices et de son humeur fluctuante et qui, de retour des États-Unis, voulait à ses côtés un Noir, “ou mieux une Noire”, comme nous l’apprend aujourd’hui Roselyne Bachelot.

Quelqu’un pourrait-il en toucher un mot au député du Nord et lui suggérer de s’informer avant de rédiger ses affligeants communiqués de presse ? Pour l’heure, en la matière, la meilleure parole que Sébastien Huyghe puisse porter, c’est encore le silence. Merci pour nous tous.

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