Sans cesse repoussée, il n’est pas encore trop tard pour que la loi sur l’indépendance et le pluralisme des médias refasse surface. Aujourd’hui à l’Assemblée nationale, des mesures pour renforcer la protection du secret des sources des journalistes seront examinées et surtout débattues.
Il s’agissait de l’engagement numéro 51 du programme de François Hollande pendant sa campagne : renforcer la loi sur la protection des sources des journalistes. Ce texte est censé remplacer la loi existante (datant du 4 janvier 2010), jugée insuffisante pour réellement empêcher les investigations sur le travail des journalistes et leurs différents contacts après la révélation d’affaires ou de scandales. Ce n’est finalement qu’aujourd’hui que la communiste Marie-George Buffet présentera à l’Assemblée un texte amendé deux fois avant d’être adopté à l’unanimité par les députés de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Secret consolidé
Selon ce texte, “chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur sa personne, sur les archives de son enquête ou sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec elle, peut détenir des renseignements permettant de les découvrir” serait une atteinte à la loi. Les personnes concernées par la protection du secret des sources sont définies plus clairement. Il s’agit des journalistes, mais aussi des collaborateurs de rédaction et des directeurs de publication.
Une exception est cependant précisée : l’atteinte au secret des sources est possible seulement si la révélation est de nature à prévenir un crime ou un délit qui constitue une menace grave pour l’intégrité des personnes. La condition est également que l’information ne puisse pas être obtenue d’une autre manière que par l’atteinte au secret. Mais, même dans ces circonstances, les journalistes ne pourront plus être contraints de révéler leurs sources.
La proposition ajoute un article dans la loi sur la presse de 1881 qui précise que “tout journaliste a le droit de refuser toute pression, de divulguer ses sources, de refuser de signer un article, une émission, partie d’émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à son intime conviction professionnelle”.
Le texte précise que seule la décision d’un juge peut autoriser l’atteinte au secret des sources lors d’une enquête de police judiciaire ou d’une instruction.
La fin du délit pour les documents confidentiels ?
Autre mesure majeure du texte présenté aujourd’hui à l’Assemblée : les documents obtenus par les journalistes en violation du secret professionnel, du secret de l’enquête ou de l’instruction ou encore du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ne peuvent plus constituer un délit de recel. À la seule condition, bien évidemment, que la diffusion de ces informations constitue un but légitime et dans l’intérêt général du public.
Un projet en attente depuis plusieurs années
Déjà, en février 2013, Christiane Taubira, à l’époque ministre de la Justice, avait indiqué que le projet de loi sur la protection des sources était prêt. Il aura pourtant fallu quatre mois pour que le Gouvernement le dépose sur la table et prévoie un débat à l’Assemblée (pour le 16 janvier 2014). Finalement, c’est Jean-Jacques Urvoas, à l’époque président de la commission des lois et désormais successeur de Christiane Taubira au ministère de la Justice, qui avait repoussé le projet, à cause d’une “surcharge de l’agenda des députés”.
Cette loi restera aux oubliettes avant que des députés ne reprennent son contenu pour proposer une loi transpartisane en juillet dernier. Comme le premier texte, elle n’a jamais été mise à l’ordre du jour d’une séance publique à l’Assemblée nationale. Finalement, le contenu de ces deux lois laissées dans les tiroirs réapparaît. Le débat commence, trois ans plus tard.