Face à la montée du terrorisme et à la crise des migrants, un sentiment d’impuissance politique semble frapper les institutions et les États membres de l’Union européenne. À ce sentiment, les industriels répondent par une innovation technologique, un système de contrôle automatique aux frontières. Coûteuse, sans preuve d’efficacité probante, cette solution pourrait surtout faire le jeu de sociétés en recherche de relais de croissance sur le Vieux Continent.
“Il y a urgence à renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne. Ce sont les propositions françaises depuis des mois”, a déclaré Manuel Valls le lendemain des attaques terroristes à Bruxelles. Si le Passenger Name Record (PNR) fait l’objet de toutes les attentions tandis que le Parlement a repoussé le vote de ce dispositif visant à centraliser les informations personnelles de passagers détenues par les compagnies aériennes, la Commission européenne va bientôt revenir à la charge avec un projet de bien plus grande envergure : le Smart Borders Package, ou “frontières intelligentes”. Un système visant à suivre toutes les entrées et sorties de Schengen, qui viendrait compléter les dispositifs européens existants, les bases de données d’Europol et de Frontex.
“Il y a urgence à ce que plus personne ne puisse passer avec des faux papiers, a renchéri le Premier ministre à l’antenne d’Europe 1. Nous savons que Daech a volé de grandes quantités de passeports en Syrie. Cela suppose donc que les fichiers soient parfaitement vérifiés, recoupés. Là aussi, la France a fait des propositions. Il faut avancer et pas uniquement sur le PNR mais sur l’ensemble des moyens pour lutter contre le terrorisme.”
Ces propositions françaises, qui sont à ce jour peu médiatisées, consistent notamment à inclure les citoyens européens dans le dispositif des Smart Borders. Initialement prévu pour limiter le risque de présence illégale de migrants – non-ressortissants de l’Union – sur le territoire, il serait alors élargi à tous afin de devenir un outil de plus pour améliorer le contrôle des mouvements de chacun.
Selon les partisans du dispositif, les frontières “intelligentes” permettraient non seulement de détecter des personnes suspectes mais aussi de trouver, grâce à des algorithmes traitant l’afflux massif d’informations, les routes utilisées pour revenir de Syrie ou d’Irak. Pour tisser un tel filet, l’Union européenne compte sur des solutions technologiques que les industriels spécialisés sont ravis de lui proposer.
Déjà, après les attentats de Paris, ce rapprochement entre des États impuissants après une attaque et les industriels promettant des solutions technologiques capables de redonner un sentiment de contrôle avait eu lieu lors de la grand-messe de la sécurité et de la sûreté, Milopol. La technique d’approche des autorités publiques était plutôt directe. “Pour améliorer la sécurité européenne, nous avons besoin de stimuler nos industriels !” lance Armand Nachef, le point de contact national du programme européen de recherche H2020, le 17 novembre. Ce représentant du service public tient ce discours le matin même où le Raid intervient à Saint-Denis. Il s’adresse alors aux entrepreneurs présents au salon Milipol, où armes, drones, tanks et autres gilets pare-balles sont sous les spots.
La création d’un besoin
À l’autre bout du salon, son appel résonne déjà. Un employé de Morpho propose fièrement de faire visiter l’installation type d’une frontière hyper sécurisée : “Là, c’est une machine de reconnaissance par l’iris. Pour le moment, nous en avons surtout vendu en Asie, mais ça va venir ici.” Mais surtout il présente la porte “intelligente” (e-gate), un sas de verre capable de vérifier votre identité en moins de 20 secondes. Soit deux à trois fois plus vite qu’aujourd’hui, lorsque vous avez affaire à un garde-frontière dans son aubette. La technologie semble alors efficace, presque magique. Mais le vrai tour de passe-passe ne réside pas tant dans la technologie que dans la capacité des industriels à créer un nouveau besoin… et même un nouveau marché européen.
Pour les industriels, le marché de la sécurité en général et du contrôle aux frontières en particulier constitue un relais de croissance inespéré, alors que le budget alloué par les États européens à la défense ne cesse de reculer. Avec une croissance exponentielle, l’Europe pourrait même devenir le premier marché mondial des contrôles aux frontières automatisés d’ici à 2020, selon la société américaine d’études Acuity Market Intelligence. “Nous estimons que le marché du contrôle automatisé aux frontières représente 500 millions d’euros en Europe aujourd’hui et devrait atteindre pas moins de 1,2 milliard d’euros d’ici à 2019-2020, explique Jean-François Lennon, vice-président “Global Business Development & Sales” de Vision-Box. Nous avons déjà 80 % de part de marché.” La petite entreprise portugaise grandit vite. Son chiffre d’affaires est ainsi passé de 10 millions d’euros en 2012 à 35 millions en 2015, tablant sur une activité de près de 50 millions d’euros dès cette année. Ces perspectives de croissance ne prennent pas encore en compte un projet politique européen qui pourrait étendre sans commune mesure le recours à ces équipements.
Un sacré jackpot se dessine donc à l’horizon avec cette directive européenne “Smart Borders Package” qui pourrait rendre obligatoire le développement de ces frontières “intelligentes” aux limites de Schengen. Ce projet se compose à la fois d’un système collectant les informations concernant toutes les entrées et sorties des non-ressortissants de l’Union européenne (l’Entry Exit System), afin de détecter ceux qui restent au-delà de leur visa de 90 jours, et d’un déploiement des contrôles automatiques pour les titulaires de passeports biométriques (le Registered Traveller Program) afin de fluidifier le passage aux frontières, notamment aéroportuaires. Concrètement, l’Union européenne devra se doter d’une nouvelle base de données et les États de nouvelles e-gates, y compris ceux au centre de l’espace de libre circulation. Au niveau français, 133 points de frontière Schengen pourront être concernés, 86 aéroports, 37 ports, 10 gares. Sachant qu’une seule porte vaut entre 40 000/50 000 et 150 000 euros, cela représente un investissement non négligeable.
La résurrection d’un projet enterré
Le texte sur les Smart Borders est actuellement à l’étude au sein de la Commission européenne et devrait être rendu public à la fin du mois de mars. Il a donc pour but de lutter contre l’immigration illégale de manière automatisée. Comme dans n’importe quelle industrie, l’automatisation porte la promesse d’un gain de productivité. “En 2011, sur environ 750 millions de traversées de frontière, environ 30 % des passagers concernés étaient des ressortissants de pays extérieurs à l’espace Schengen. Or, d’ici 2025, nous nous attendons à ce que ce chiffre double, ce qui ne pourra pas être géré avec les moyens humains actuels”, souligne Krum Garkov, directeur de l’agence Eu-Lisa, chargée d’orchestrer l’application des Smart Borders. Pour lui, les États n’ont la capacité ni d’agrandir les postes-frontières ni d’y affecter plus de personnel. Avec l’automatisation, un policier pourrait encadrer 4 à 6 portes en même temps, ce qui permettrait de multiplier les contrôles, à moyens humains équivalents voire inférieurs. Le policier se voit ainsi “augmenté”, tout en gardant la main sur les cas complexes, notamment quand l’alerte se déclenche.
Jusque-là, tout va bien. Pourtant, la Commission en est en fait à son deuxième coup d’essai. La première proposition de Smart Borders, qui chiffrait le projet à 1,1 milliard d’euros, avait provoqué un tollé au sein du Parlement en 2013. La députée et vice-présidente du groupe des Verts/Alliance libre européenne, Ska Keller, avait alors, pour lever un doute personnel, commandé un rapport de l’institut indépendant Heinrich Böll de l’institut indépendant Heinrich Böll. Sa conclusion fut pour le moins défavorable au projet. Ce rapport fait la preuve que le système est disproportionné par rapport au but à atteindre. “Pour les entreprises, si le projet Smart Borders passe, ce sera Noël et Pâques le même jour”, résume la députée, avec un certain sens de la formule.
Depuis, pour apaiser cette ire, la Commission a réalisé un tour de magie, où la facture dessale comme une morue dans son eau : en réunissant les deux projets en un, elle a divisé le budget anticipé par deux. Le coût pourrait alors être de seulement 550 millions d’euros… tout en provisionnant 791 millions dans son budget cadre pour 2014-2020 avant même que la directive ne soit votée. “En réalité, pour savoir combien cela va nous coûter, il faudra attendre les réponses des industriels aux appels d’offres et surtout conclure les contrats”, note Krum Garkov, le directeur de l’agence Eu-Lisa.
Nouvelle menace terroriste
Si la Commission semble montrer patte blanche en communiquant sur un budget contraint, elle est en train de succomber à la proposition française de rendre les contrôles systématiques, qui est loin d’être la plus économe. “Cela représentera entre 550 et 600 millions de contrôles en plus chaque année”, estime le député belge Gérard Deprez, qui soutient cette position. Soit une enveloppe totale qui s’élèverait à 1,5 milliard d’euros. Pour la financer, l’Europe pourra puiser dans quelques instruments de flexibilité, comme le Fonds pour la sécurité intérieure (ISF) doté de 3,764 milliards pour la période 2014-2020. Or ce fonds pourrait s’épuiser dès la fin de l’année. Alors, les États devront remettre la main à la poche. À mesure que les frontières de Schengen se renforcent, il semblerait que celles du budget deviennent plus poreuses. “C’est la seule façon de sauver l’Europe : en renforçant ses frontières extérieures, nous éviterons de voir des barbelés se dresser au sein de Schengen et la peur du terrorisme l’emporter”, reconnaît le membre du groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.
Tandis que Bruxelles est actuellement en deuil et que les traces de l’explosion marquent encore le quartier du Parlement européen, le terreau politique devient particulièrement fertile pour voter un tel projet. “Les députés européens sont plus enclins à accepter ce système, face à une menace accrue, analyse Gipsy Beley, porte-parole de la Cimade. D’autre part, il est possible qu’ils soient aussi l’objet de pressions au niveau national, afin qu’ils acceptent plus facilement le texte.”
En terrain conquis ?
S’il est impossible encore de savoir combien cela va coûter aux contribuables européens, il est certain que ces euros ne seront pas les premiers investis dans cette technologie. Des e-gates ont en effet fleuri un peu partout grâce à l’argent communautaire. “Les gouvernements de l’espace Schengen peuvent financer les projets avec l’aide d’un fonds européen qui subventionne jusqu’à 50 % de l’investissement des contrôles automatisés aux frontières”, souligne Jean-François Lennon, de Vision-Box.
Si la Commission européenne a refusé de répondre à nos questions, quelques recherches dans les archives de communiqués de presse permettent de déceler que le Fonds pour les frontières extérieures (External Borders Fund) compte, parmi cinq sujets d’investissement, la mise en œuvre d’équipement technologique à l’état de l’art dédié au contrôle aux frontières. Cette partie du programme “Solidarité et management des flux migratoires” a tout de même représenté 1,82 milliard d’euros entre 2007 et 2013, dont un cinquième était exclusivement dédié aux aéroports où les premières portes “intelligentes” ont été prioritairement déployées.
En parallèle, la Commission a également financé des programmes de recherche sur ces frontières “intelligentes”. Entre 2007 et 2013, dans le volet Sécurité de son programme-cadre FP7, plus de 51 millions ont été versés à des consortiums souvent dirigés par des entreprises auxquelles se sont associés laboratoires et acteurs publics pour réfléchir à la gestion de ces nouvelles frontières. Dans son dernier opus H2020 “Sociétés sûres”, l’instance européenne a déjà investi plus de 21 millions à ce sujet. Des sommes non comprises dans le budget Smart Borders.
Plusieurs acronymes ont émergé de cette philanthropie européenne. Comme l’ABC4EU, coordonné par l’industriel espagnol Indra, subventionné à hauteur de 12 millions, pour penser une bonne utilisation des portes automatiques (ABC) dans les aéroports. Le projet Effisec (Efficient Integrated Security Checkpoint) a quant à lui été financé à plus de 10 millions d’euros. Objectif : concevoir des kiosques automatiques qui vérifient l’authenticité du passeport, en comparant la photo prise par la borne biométrique et celle enregistrée sur la puce du passeport. Une petite PME française a profité de cette aubaine. “Nous avons touché exactement 328 251,3 euros, témoigne Raphaël Rocher, gérant de Sécalliance sécurités informatiques. Grâce à cela nous avons pu nous lancer.” L’entreprise est en effet créée en 2009, en même temps que le lancement de ce projet de recherche prévu pour durer cinq ans.
Quelques champions industriels français
Avec tous ces projets, la Commission veut créer “une véritable industrie européenne de la sécurité”, comme le confirme l’universitaire Pierre-Alain Fonteyne, membre du groupe de conseil du FP7, entité chargée de fournir à la Commission des suggestions sur les besoins et les orientations à donner à la recherche. “L’idée de la Commission était aussi de pousser à la mise en place d’un réseau de PME, mais ça n’a pas vraiment marché”, ajoute-t-il. De fait, les projets ont pour majorité été coordonnés par de grands industriels qui ont les moyens de dégager au moins une personne pour gérer la bureaucratie conséquente.
Ainsi, sur les six projets du FP7 consacrés aux frontières “intelligentes”, l’entreprise française Morpho en a supervisé trois. Rien que pour Effisec, elle a touché 1 859 921 euros exactement. En tout, près de 4 millions d’euros. Safran, la maison mère, a refusé de nous dire sur quoi ce subside avait concrètement débouché. L’autre géant français n’est pas en reste. Thales a lui reçu des subventions européennes de plus de 1,8 million d’euros pour travailler sur la thématique, dans le cadre du FP7. Son aventure européenne continue dans le H2020. “Nous participons actuellement à un projet appelé Bodega, qui a pour but d’étudier le facteur humain, comment les passagers interagissent avec les e-gates, précise Yann Haguet, directeur du secteur identitaire chez Thales. À la fin, nous produirons un rapport pour l’Union européenne, qui pourra aider à l’application des Smart Borders.”
Opération de persuasion
Au final, l’adoption de ces Smart Borders signerait l’apothéose de la lune de miel de Bruxelles avec les industriels de la sécurité. Avant de convoler, la Commission a consolidé ces liens grâce à la phase pilote du projet, qui s’est étalée sur l’année 2015. L’agence Eu-Lisa a mené des expérimentations dans 18 points de frontière différents : aéroports, gare, ports, douanes, dans 12 pays volontaires qui n’ont rien eu à débourser. La Commission a couvert les 3,5 millions d’euros de mise en place.
Comme exigé dans le partenariat, les 11 industriels qui ont répondu à l’appel ont collaboré gratuitement. Pour la première étape, à l’aéroport de Lisbonne, Vision-Box était le chef des opérations. En France, c’est Morpho qui a fourni portes automatiques, outils de reconnaissance faciale ou d’empreintes digitales au port de Cherbourg, à la gare du Nord et à l’aéroport de Roissy.
Si les entreprises n’ont pas bénéficié financièrement de l’opération, pour Krum Garkov, “elles ont pu démontrer l’efficacité de leurs machines, et c’est sûr qu’à l’avenir, quand les États devront mettre en application le système, ils pourront décider de recourir à telle ou telle entreprise dont les preuves auront été faites ici”.
Les industriels qui acceptent de communiquer nuancent tout de suite l’ampleur de leur implication. “Les entreprises se sont mobilisées en réponse à cette demande, notamment par des prêts anticipés de certains matériels”, déclare ainsi Yann Haguet, directeur du secteur identitaire pour Thales.
En parallèle, la Commission a lancé une consultation publique, terminée à l’automne dernier. Pas moins de 101 organismes privés et publics ont répondu, mais seuls 39 l’ont fait publiquement. Parmi ceux-ci, l’Organisation européenne de la sécurité (EOS), qui rassemble les plus grands noms du domaine, promet que le vote de Smart Borders offrira des réductions de coûts opérationnels aux États qui y recourront. Cette association a investi plus de 200 000 euros en lobbying à Bruxelles en 2014, auxquels s’ajoutent les sommes investies par les sociétés qu’elle représente, dont 3M, Indra, Safran-Morpho ou encore Thales.
“Ces activités de lobbying poussent la Commission à penser à l’envers, souligne Evelien Brouwer, qui suit le dossier pour le Meijers Comittee. Elle part des jolies technologies qu’on lui propose et cherche à les utiliser au lieu de réfléchir en matière de problèmes à résoudre.” Les dés sont-ils pipés ? “D’un point de vue politicien, tout ceci est une excellente stratégie. Tous ces projets de recherche, ces tests, sans compter les nombreux colloques et salons où la Commission et les industriels s’invitent pour exhiber leurs astuces. Quand nous serons sur le point de voter, la majorité aura de quoi être convaincue avant même d’écouter la première critique”, conclut l’Allemande Ska Keller, une des plus grandes sceptiques.
Pourtant, les récentes expériences du même type invitent à la prudence. Aux États-Unis, une décennie de pratique n’a pas suffi à fiabiliser le système entrée-sortie. “Le Royaume-Uni, pour sa part, a rompu un contrat avec l’entreprise Raytheon car celle-ci était incapable de livrer une base de données essentielle au projet de contrôle automatique aux frontières ; et l’Europe a multiplié par six le budget initialement alloué pour le système d’information Shengen (SIS)”, rappelle Sophie In’t Veld, la vice-présidente néerlandaise de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.
Un grand flicage européen ?
Derrière les arguments de gain de temps et de réduction des coûts avancés par les industriels, la question du retour sur investissement est quant à elle très vite écartée. En France, le système d’e-gates Paraphe déployé à Roissy a déjà huit ans d’existence et a participé à la phase pilote de Smart Borders. Le résultat de ce test semble plus contrasté que ne le laisse supposer la communication officielle. “Le discours en interne a changé à ce sujet pour le projet des e-gates Paraphe déployées à Roissy, indique un membre du syndicat Alliance. Au départ, les sas devaient générer de fortes économies, ensuite cet argument a disparu au profit du seul avantage de son taux de réussite.” En parallèle, aucun chiffre ne prouve aujourd’hui que les files d’attente soient raccourcies par cette nouvelle technologie. Enfin, les pannes ne sont pas toujours résolues rapidement. “À mes dernières vacances, j’ai pris l’avion à Roissy, témoigne une voyageuse régulière. Au départ, les portes étaient en panne et nous avons dû attendre beaucoup plus que d’habitude. Une semaine plus tard, à mon retour, la situation n’avait pas changé. Et ce n’est pas la première fois que ça arrive.” Enfin, Paraphe se lance dans une deuxième version, qui pourra désormais être utilisée par tous les ressortissants de l’espace Schengen. Mais, selon les informations de notre source syndicale, certains États européens, veillant à respecter la protection des données personnelles, refusent que toutes les informations contenues par un passeport biométrique soient accessibles par un dispositif automatisé qui pourrait les conserver pendant six mois.
Au final, là est l’enjeu de long terme. Si le dispositif des Smart Borders est adopté au niveau européen, non seulement un marché énorme apparaîtra mais l’acceptation politique du contrôle des citoyens ouvrira le champ à une supervision technologique encore plus large dans notre société. Des sources anonymes nous ont ainsi fait part de plusieurs expérimentations, notamment aux Pays-Bas et en France, où des applications de reconnaissance faciale ou par l’iris se greffent sur les caméras de surveillance déjà déployées. Pour optimiser une pareille installation, un logiciel pourrait scanner tous les visages et les comparer à une base de données biométriques de personnes signalées. Les individus recherchés, ou même simplement surveillés (comme dans le cas des 5 000 fiches S), seraient ainsi automatiquement détectés, lançant une alerte auprès des autorités. Si ce système est à ce jour illégal en Europe, au nom de la protection des données personnelles, il pourrait être considéré comme un outil technologique nécessaire au nom de la sécurité. Ainsi, les frontières “intelligentes” ne constituent-elles pas finalement qu’une étape de plus vers un “système pan-européen de surveillance”, comme le craint Chris Jones, membre de Statewatch ? Si tel est le cas, la manne financière pour les industriels se chiffrerait en milliards d’euros.