C’est l’instance suprême de la Fédération internationale de football. Si ses membres tombent les uns après les autres, une majorité est passée à travers les gouttes du “Fifagate”. Sur les 24 membres du comité exécutif, Le Lanceur a relevé que 14 sont soupçonnés de corruption, de conflit d’intérêts ou sous les feux de la justice.
Issa Hayatou, le Sepp Blatter africain
“Toute personne qui déconnera sera suspendue. Personne ne doit être à l’abri.” Ces propos, prononcés le 8 octobre sur RFI, après la suspension de Sepp Blatter, par le nouveau président par intérim de la Fifa, auraient pu amener à une mini-révolution. Mais, sortis de la bouche du Camerounais Issa Hayatou, multi-soupçonné de corruption, ils laissent la place au mieux au sourire, au pire au soupir. Car la liste des casseroles du président (depuis 1987) de la Confédération africaine de football (Caf), membre du comité exécutif de la Fifa depuis 1990, est presque sans fin.
En 2011, le géant camerounais se prend un premier blâme par le Comité international olympique (CIO), pour avoir reçu un don de plus de 15 000 euros en liquide de la société suisse de marketing ISL – qui depuis a fait faillite pour corruption –, lors du 40e anniversaire de la Caf. Ce qui n’empêche pas Issa Hayatou, en 2015, d’être toujours membre du CIO.
Mais la plus violente charge vient du côté du Qatar et des accusations de pots-de-vin portées par la lanceuse d’alerte Phaedra Almajid dans le Sunday Times. En 2014, l’ex-chargée de communication du comité “Qatar 2022” raconte cette scène surréaliste à France Football. Elle se passe en janvier 2010, dans la chambre d’un dignitaire qatari à Luanda, en Angola : “La première personne à entrer dans la suite a été Issa Hayatou. Charmant et très imposant. (…) Les Qataris sont ravis de la présence de ce haut dirigeant et ils souhaitent faire bénéficier sa fédération d’un don d’un million de dollars. Pas à titre personnel, bien sûr. Que les choses soient claires, on n’a jamais parlé que de fédérations en ma présence. Ce monsieur répond, sans même jeter un regard sur le Qatari : “Ah, un million de dollars… Pourquoi pas un million et demi ?” Et le Qatari dit qu’il espère pouvoir compter sur son soutien. L’intéressé lui assure que c’est le cas. Et c’est fini ! Je n’ai jamais vu une offre aussi directe. J’étais sous le choc.”
Jusqu’ici, lssa Hayatou, qui nie chaque allégation, est passé entre toutes les gouttes, à l’instar de son mentor et parrain, Sepp Blatter, jusqu’en 2015. Jusqu’ici… tout va bien.
Angel Maria Villar et le pacte Espagne-Qatar
Il n’aura eu que quelques jours pour se réjouir. Le 21 octobre dernier, deux semaines seulement après la mise à pied de Michel Platini qui le propulse alors président par intérim de l’UEFA, l’Espagnol Ángel María Villar apprend qu’une enquête du comité d’éthique de la Fifa est ouverte contre lui et le “Kaiser” Franz Beckenbauer. On reproche aux deux poids lourds du football européen d’avoir refusé de coopérer avec l’enquêteur américain de la Fifa, Michael Garcia, depuis démissionnaire, sur l’attribution des coupes du monde 2018 en Russie et 2022 au Qatar.
À 66 ans, c’est un coup dur pour Ángel María Villar, au parcours jusque-là sans fautes, ancien joueur professionnel réélu à sept reprises à la présidence de la fédération espagnole, et vice-président à la fois de la Fifa et de l’UEFA.
Mais l’Espagnol est soupçonné d’avoir été le coarchitecte, avec le sulfureux Qatari Mohammed Bin Hammam, d’un pacte secret d’échange de votes entre les candidatures de l’Espagne et du Portugal pour 2018 et du Qatar pour 2022. Selon Philippe Auclair et Éric Champel, les deux journalistes de France Football auteurs de Fifagate (Michel Lafon, 2015), l’accord tacite aurait commencé à se nouer en février 2010 à Barcelone lors d’une rencontre entre Ángel María Villar et le vice-président de l’académie sportive Aspire au Qatar, en marge de la présentation de l’ex-entraîneur du Barça Pep Guardiola comme ambassadeur de la candidature qatarie pour la Coupe du monde.
Un “pacte secret” confirmé par le chef même de la Fifa, le “parrain des parrains” en personne, Sepp Blatter, dans une interview à la BBC en février 2011 : “Je serai honnête, il y a eu échange de votes entre l’Espagne et le Qatar.”
Cheikh Salman, la terreur du golfe persique
Après la Coupe du monde au Qatar, le monde arabe pourrait bien prendre la tête du football mondial. À 50 ans, le cheikh Salman ben Ibrahim al-Khalifa, membre de la famille royale du minuscule archipel de Bahreïn, est l’un des favoris de l’élection à la présidence de la Fifa, qui se tient à Zurich le 26 février. L’homme d’affaires, président de la Confédération asiatique de football (AFC) depuis 2013, vice-président et membre du comité exécutif de la Fifa, a le bras long et le soutien acquis de nombreuses fédérations. Fin décembre, lors de la présentation de sa plateforme de campagne, il s’est même posé en candidat du changement et de la transparence, déclarant vouloir séparer la Fifa en deux entités distinctes, l’une pour le côté purement sportif, la “Fifa football”, l’autre pour l’économie, le marketing, les droits télé, la “Fifa business”.
Mais son attachement à sa terre natale et ses racines arabes le placent comme l’un des candidats les plus sulfureux dans la course à la présidence. Fervent soutien du Qatar, le cheikh Salman aurait, selon le journaliste James Dorsey*, participé à l’enterrement du rapport d’audit indépendant de la Confédération asiatique, qui contribua à la chute du Qatari Mohammed Bin Hammam, radié à vie du monde du football pour des faits de corruption. L’homme du royaume de Bahreïn est également très proche d’un autre cheikh arabe à l’odeur de soufre, le Koweïtien Al-Sabah, un faiseur de rois, ancien président de l’Opep, membre lui aussi du comité exécutif de la Fifa, et surtout soupçonné de corruption (lire notre portrait).
Mais son plus grand obstacle, le cheikh Salman devra le franchir sur le terrain des Droits de l’homme. Le candidat à la Fifa est en effet mis en cause pour son rôle dans la répression de 2011 à Bahreïn. Plusieurs organisations pour les Droits de l’homme accusent l’ancien président de la fédération de football du Bahreïn d’avoir contribué à l’arrestation de joueurs qui soutenaient la révolte contre l’autoritarisme du royaume et qui furent victimes de tortures. Près de 150 athlètes ou entraîneurs, tous sports confondus, avaient été détenus. Dont A’ala Hubail, l’attaquant vedette, qui n’a jamais réintégré l’équipe nationale…
* Cf. Le Monde turbulent du football au Moyen-Orient (2016)
Juan Angel Napout, “le Parrain II”
À 57 ans, dans la plus grande tradition des dirigeants du football sud-américain et de son mentor paraguayen, le “parrain” Nicolás Leoz (ancien patron de la Conmebol, la fédération sud-américaine), il a été rattrapé pour corruption par le FBI. Le 3 décembre dernier, six mois seulement après le vaste coup de filet de la justice américaine et des autorités suisses, Juan Ángel Napout, vice-président de la Fifa, est lui aussi cueilli dans l’hôtel Baur au lac de Zurich. Le lendemain, avec son compatriote sud-américain, le Hondurien Alfredo Hawit (lire “La mafia des Caraïbes”), il est suspendu 90 jours par la Fifa. Deux semaines plus tard, le 15 décembre, le Paraguayen est extradé à New York, à la demande des États-Unis. Il plaide alors non coupable des faits de corruption, de racket et de blanchiment d’argent qui lui sont reprochés.
Président depuis 2014 de la puissante Conmebol, Juan Ángel Napout avait pris la succession de Nicolás Leoz, 87 ans, l’indéboulonnable parrain du foot sud-américain (1986-2013), aujourd’hui visé par une notice rouge d’Interpol. Au Paraguay, l’apprenti Napout s’était ainsi fait les dents dans les années 1990 et 2000, aux côtés du père Leoz, l’homme qui, selon le journaliste anglais Andrew Jennings, “depuis toujours, récupère des dessous de table dans le football” (Le Scandale de la Fifa, Seuil, 2015).
Alfredo Hawit et la mafia des Caraïbes
Patron par intérim de la Confédération de football de l’Amérique du Nord, de l’Amérique centrale et des Caraïbes (Concacaf) et vice-président du comité exécutif de la Fifa, le Hondurien Alfredo Hawit a été arrêté le 3 décembre dernier dans l’hôtel Baur au Lac de Zurich, à la demande du FBI. Le lendemain, avec son compatriote sud-américain, le Paraguayen Juan Ángel Napout (lire “Le parrain II”), il est suspendu 90 jours par la Fifa. Les deux hommes sont accusés d’avoir reçu des pots-de-vin en échange de droits télévisuels, avec les Brésiliens Ricardo Teixeira et Marco Polo Del Nero (lire “La famille brésilienne”).
Cet ancien footballeur – ceux qui l’ont vu jouer se souviennent de lui comme d’un attaquant impitoyable – a été élu à l’unanimité, en 2015, à la présidence de la fédération hondurienne. Il est devenu le président par intérim de la Concacaf en deux occasions, suite aux destitutions pour corruption des deux “parrains” des Caraïbes, le Trinidadien Jack Warner et Jeffrey Webb, le natif des îles Caïman.
Warner, suspendu à vie du monde du football en septembre dernier par la Fifa, est considéré comme l’instigateur d’un “système de paiements occultes et illégaux” dans le cadre de l’assignation des coupes du monde 2018 et 2022. Quant à Webb, il a été arrêté à Zurich en ce fameux 27 mai 2015, alors qu’il était encore vice-président de la Fifa, président de la Concacaf et de la fédération des îles Caïman. Avec Alfredo Hawit, les trois derniers présidents de cette “grande famille” de la Concacaf ont donc été interpellés par la justice.
Le Hondurien a finalement été extradé aux États-Unis en début d’année, où il est assigné en résidence en Floride depuis le 21 janvier, avec une caution fixée à 290 000 dollars par un juge new-yorkais.
Michel D’Hooghe, le tableau russe et le fils prodigue au Qatar
“J’admire beaucoup le personnage. Ce fut un très grand joueur de football, un très grand dirigeant au sein de la fédération française et il a maintenant, à la tête de l’UEFA, des résultats remarquables”, confiait le Belge Michel D’Hooghe aux journalistes Antoine Grynbaum et Arnaud Ramsay dans Président Platini (Grasset, 2014). À 70 ans, ce médecin, vieux briscard du football européen, président de la fédération belge de 1987 à 2001, dirigeant du FC Bruges de 2003 à 2009 et membre du comité exécutif de la Fifa depuis 1988, a de nombreux points communs avec son idole, Michel Platini. À commencer par les casseroles.
Comme l’ancien capitaine des Bleus, il est soupçonné par la presse d’avoir reçu un tableau de la fédération russe en échange de son vote pour la Coupe du monde 2018 en Russie. Si l’ex-numéro 10 français nie catégoriquement, Michel D’Hooghe a admis avoir accepté le cadeau, tout en démentant une tentative de corruption. À l’agence de presse Belga, il déclare même l’avoir “descendu à la cave car [il] ne le trouvait pas beau” et qu’il “ne l’a plus jamais regardé”.
Autre point commun avec Michel Platini, la descendance familiale qui mène, encore et toujours, au Qatar. Si Laurent Platini, fils de, est aujourd’hui le directeur général de l’équipementier sportif des Qataris, Burrda Sport, le fils de l’autre Michel, Pieter D’Hooghe, spécialiste de chirurgie orthopédique et de médecine sportive, a été embauché en 2012, quelques mois seulement après l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, à l’hôpital Aspetar de Doha.
Curieux conflits d’intérêts que n’a pourtant pas relevés le comité d’“éthique” de la Fifa, qui a blanchi le Belge en février 2015, estimant qu’“il n’y [avait] pas d’éléments suffisants pour montrer que le docteur D’Hooghe a violé quelque disposition que ce soit du code éthique de la Fifa”.
Marios Lefkaritis, le Qatar et un terrain à 32 millions d’euros
Quels liens entre un businessman chypriote de 69 ans et un minuscule État de 2 millions d’habitants du golfe Persique ? Le gaz naturel liquéfié, dont le Qatar est le premier exportateur au monde, et le football, qui brasse des milliards d’euros chaque année et dont l’émirat est devenu un fervent ambassadeur. C’est ce que révèlent les deux journalistes de France Football Philippe Auclair et Éric Champel dans Fifagate (2015, Michel Lafon), ouvrage qui met en lumière un conflit d’intérêts majeur de Marios Lefkaritis, membre du comité exécutif de la Fifa.
Vice-président et trésorier de l’UEFA, partisan de Michel Platini, le Chypriote est une sommité du football européen. Sur son île, il est aussi un magnat des hydrocarbures, en tant que dirigeant de la société Petrolina. Une entreprise devenue un important partenaire du Qatar dans le commerce de gaz liquéfié.
C’est ici que le conflit d’intérêts devient limpide, lorsque, en mai 2011, moins de six mois seulement après le vote pour l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, le fonds souverain du Qatar QSI obtient l’autorisation du gouvernement chypriote d’acheter un terrain pour 32 millions d’euros, afin d’y bâtir un hôtel cinq étoiles. Un terrain appartenant à la famille de… Marios Lefkaritis, votant pour l’attribution du mondial 2022.
Hany Abo Rida et le jet privé qatari
Il n’aura pas fallu bien longtemps à ce businessman égyptien de 62 ans pour intégrer le “cabinet noir” des instances mondiales du football. Très vite, après son élection en 2009 au comité exécutif de la Fifa, il devient l’un des meilleurs amis du Qatari Mohammed Bin Hammam, cerveau de l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, banni à vie du monde du football par la Fifa pour des faits de corruption. “S’étant libéré d’une relative obscurité du football égyptien, son nouveau pouvoir à la Fifa l’a rendu utile pour le dirigeant de son pays, le sanguinaire président Hosni Moubarak, et Abo Rida aimait voir son influence s’accroître chez lui, écrivent les journalistes du Sunday Times Heidi Blake et Jonathan Calvert, dans The Ugly Game (2015). Le rusé Égyptien pouvait voir que Bin Hammam était un homme assez puissant pour s’y acoquiner, et il donna à son nouvel allié une assurance en béton de son vote dans le scrutin secret de la Coupe du monde.”
Comme le révèlent ces deux journalistes anglais derrière les Fifa files, en 2010 et 2011, en pleines campagnes pour l’attribution du mondial 2022 et pour son élection (avortée) à la présidence de la Fifa, le Qatari va emmener l’Égyptien aux quatre coins du monde. À Doha, en août 2010, où Hany Abo Rida et sa femme volent en première classe depuis Le Caire aux frais (2 500 dollars) de Bin Hammam. Et à Trinité-et-Tobago, en 2011, quand l’Égyptien accompagnera le Qatari dans son jet privé au fameux congrès de la Concacaf, où chaque délégué se verra remettre une enveloppe de 40 000 dollars en liquide, afin de soutenir la candidature de Bin Hammam à la présidence de la Fifa…
Vitaly Mutko, la Russie et les juges anticorruption
Du chantage, de l’extorsion et de la corruption, sur fond d’un système mafieux de dopage dans l’athlétisme russe. C’est le scandale que doit essuyer – depuis la publication en novembre 2015 du rapport explosif de l’Agence mondiale antidopage (Ama), le ministre russe des Sports Vitaly Mutko, personnellement pointé du doigt par les gendarmes de l’Ama. Du jamais vu dans le sport mondial depuis le Fifagate. “Bien qu’aucune preuve écrite d’une implication du Gouvernement n’ait été produite, ce serait extrêmement naïf de conclure que ces activités découvertes à grande échelle puissent s’être déroulées sans l’accord tacite ou explicite des autorités russes”, ont écrit dans leur rapport, sans ambiguïté, les trois enquêteurs de l’Ama, après un an d’investigation.
À 57 ans, c’est un nouveau caillou, et un gros, dans la chaussure déjà bien cahoteuse de Vitaly Mutko, ancien président du FC Zénith Saint-Pétersbourg (2003-2008) et toujours membre du comité exécutif de la Fifa. Car le ministre russe des Sports est déjà visé par une investigation de la justice suisse, en tant que président du comité d’organisation de la Coupe du monde 2018 en Russie. En décembre, le ministère public de la Confédération helvétique disait avoir mis au jour 133 transactions financières suspectes pour l’attribution des mondiaux 2018 en Russie et 2022 au Qatar. Et l’enquête, à moins de trois ans de la Coupe du monde, n’en est qu’à ses débuts…
Lydia Nsekera, la Margaret Thatcher de la Fifa
La première femme élue au comité exécutif de la Fifa vient du Burundi, où elle a été à la tête de la fédération nationale de 2004 à 2013. Lydia Nsekera, 48 ans, issue de la famille royale du pays, est une femme de poigne, habituée à se battre dans un univers masculin. “Le football est un milieu d’hommes. Si vous voulez entrer dans le football en disant que vous êtes une femme, les hommes vont vous regarder d’abord comme une femme. Ils ne vous verront pas comme une personne qui connaît et qui aime le football”, affirmait la Burundaise dans une interview à Radio Canada, en juin 2015.
Bien introduite dans les cercles du pouvoir du sport – depuis 2009, elle est aussi membre du CIO –, elle incarne l’Afrique, le continent le plus représenté à la Fifa. Lorsque le scandale de Zurich éclate, en mai 2015, plusieurs observateurs voient même en Lydia Nsekera “la femme qui pourrait barrer la route à Platini”. Sur Radio Canada, elle finit par avouer que si on lui demandait de présider la Fifa elle ne dirait pas non. “Oui, je serais fière ! J’ai été éduquée comme un militaire. Ce sont des ordres. Si un groupe vous désigne comme leur chef, que ce soit à la Fifa, dans d’autres organisations ou dans une famille, vous êtes le chef.”
Celle qui avoue admirer Margaret Thatcher est pourtant touchée par des soupçons de corruption, après les révélations du Sunday Times en juin 2015, selon lesquelles le Qatari Mohammed Bin Hammam a versé d’importants pots-de-vin aux dirigeants du football africain, afin de s’assurer de leur soutien en vue de l’organisation de la Coupe du monde 2022. La Burundaise aurait bénéficié d’un voyage payé à Kuala Lumpur en octobre 2008 et, comme une quarantaine d’invités, tous issus du continent africain, aurait reçu 5 000 dollars à son arrivée, ainsi qu’un sac rempli de cadeaux dans sa chambre d’hôtel cinq étoiles.
Fernando Sarney et la “famille” brésilienne
La corruption dans le football est une religion au Brésil, patrie de Fernando Sarney, membre du comité exécutif de la Fifa, et pays dont un certain João Havelange devint président de la fédération nationale (CBF) en 1958. Pendant les vingt-quatre ans qu’il passera à la tête de la Fifa, entre 1974 et 1998, Havelange “révolutionnera” le monde du football.
Ainsi, comme remerciement pour des votes achetés lors de l’élection à la présidence de la Fifa, l’ancien patron du foot mondial concédera les droits télévisuels de la Coupe du monde à ISL, l’entreprise suisse d’Horst Dassler, fils du créateur d’Adidas, jusqu’à sa faillite pour corruption en 2001.
En 2010, le ministère public du canton de Zoug classe une procédure pénale ouverte contre la Fifa pour soupçons de gestion déloyale. Deux de ses cadres sont mis en cause : João Havelange et son gendre Ricardo Teixeira, patron de la CBF entre 1989 et 2012, et membre du comité exécutif de la Fifa, qui a participé au vote attribuant les coupes du monde 2018 et 2022. Il est reproché aux deux Brésiliens de “ne pas avoir divulgué, ni remis à la Fifa, des commissions qu’ils ont reçues pendant la durée de leurs activités pour la Fifa, en tant que membre du comité exécutif ou en tant que président, et d’avoir ce faisant lésé la Fifa tout en s’enrichissant”. Un rapport de la commission d’éthique de la Fifa a par la suite jugé l’attitude d’Havelange comme “moralement et éthiquement répréhensible”. Il est alors contraint de démissionner du Comité international olympique (CIO) et de son poste de président d’honneur de la Fifa.
Impliqué dans le scandale, Ricardo Teixeira sera remplacé en 2012 à la Fifa par José Maria Marin, qui devient par ailleurs président de la CBF au Brésil. Mais, le 27 mai 2015, ce dernier est incarcéré en Suisse, accusé par la justice américaine de faire partie d’un réseau de fraude et blanchiment d’argent. Début novembre, il est extradé aux États-Unis.
Marco Polo Del Nero se substitue alors à Marin, mais lui aussi, soupçonné d’avoir reçu des pots-de-vin dans des contrats commerciaux avec la CBF, est contraint de démissionner. En décembre dernier, il fait nommer à sa place Fernando Sarney, vice-président de la CBF. Un homme très lié à la “famille” : il est le fils de l’ancien président du Brésil José Sarney, accusé régulièrement de népotisme et de corruption. Et le rejeton ne serait pas étranger aux fraudes : en 2010, le journal brésilien Folha de São Paulo révélait que le gouvernement suisse avait bloqué un compte de 13 millions de dollars de Fernando Sarney en Suisse, non déclaré au fisc.
Wolfgang Niersbach et la crise du modèle allemand
En quelques semaines, il a perdu plusieurs années. Autour des yeux, les rides se sont multipliées et, presque du jour au lendemain, ses cheveux sont devenus grisonnants. Depuis 2007, Wolfgang Niersbach était le patron de la Fédération allemande de football (DFB). Mais un scandale lié à l’attribution de la Coupe du monde 2006 en Allemagne a contraint cet ancien journaliste sportif à démissionner, le 9 novembre dernier.
Quelques semaines auparavant, Der Spiegel publiait une enquête qui plongeait le football allemand dans sa plus grande crise depuis les années 1970. Selon l’hebdomadaire allemand, le comité d’organisation du mondial, présidé par Franz Beckenbauer et dont Niersbach était le vice-président, s’est constitué une caisse noire qui aurait servi à acheter quatre voix pour favoriser l’attribution de la Coupe du monde 2006. Des voix décisives : lors du scrutin, l’Allemagne avait battu l’Afrique du Sud 12 voix à 11 (avec une abstention).
“Je ne m’en souviens pas complètement”, a affirmé Niersbach dans un premier temps. Avant de déclarer, quelques semaines plus tard : “ Je me suis rendu compte que le temps était venu pour moi d’en prendre la responsabilité politique.” Et d’assurer toutefois n’avoir “rien à se reprocher”.
Le parquet de Francfort s’est saisi de l’affaire et a demandé assistance judiciaire à la Suisse. Point central de l’enquête, la livraison des 6,7 millions d’euros qui auraient atterri dans les caisses de la Fifa pour financer des manifestations qui n’ont jamais eu lieu. Les enquêteurs cherchent des explications sur l’argent, qui aurait été prêté par Robert Louis-Dreyfus, l’ex-président de l’Olympique de Marseille décédé en 2009, ancien dirigeant d’Adidas, le plus important sponsor de la Fifa et, selon les mauvaises langues, sponsor de Sepp Blatter… Malgré sa démission de la fédération allemande, Wolfgang Niersbach garde son poste aux comités exécutifs de la Fifa et de l’UEFA.
Tarek Bouchamaoui et les comptes suisses
Il est issu d’une famille qui détient des sociétés actives dans la construction, l’industrie du gaz et du pétrole. Une famille réputée proche de l’ancien dictateur tunisien Ben Ali. L’homme d’affaires Tarek Bouchamaoui a été élu en avril 2015 au comité exécutif de la Fifa, et a bénéficié de l’appui des 54 États membres de la Confédération africaine de football (Caf).
Pourtant, quelques mois avant son élection, l’affaire SwissLeaks révèle que des proches de Ben Ali et des hommes d’affaires tunisiens ont des comptes dissimulés en Suisse. Tarek Bouchamaoui en possède un, ouvert à son nom, dont le plus haut solde s’élève à presque 49 millions de dollars…
Si la loi tunisienne interdit, sauf exception, aux Tunisiens ne résidant pas à l’étranger d’avoir des comptes en dehors du pays, Bouchamaoui a expliqué qu’il résidait en Égypte et précisé que ses comptes bancaires chez HSBC étaient des comptes légaux, vers lesquels des transferts d’argent étaient effectués en rapport avec les affaires qu’il dirige.
Seulement, outre ce compte personnel, trois autres comptes sont reliés à son nom : deux sont attachés à une filiale du groupe familial, Hédi Bouchamaoui & Sons, et un quatrième serait relié à une société offshore. Trois comptes qui, selon les listings, sont reliés à des sociétés domiciliées sous le soleil des Bahamas…
Al-Sabah, le cheikh de l’ombre
Vêtu de l’habit traditionnel du golfe Persique ou en costume élégant, ce quinquagénaire aux longs cheveux bouclés s’appelle Ahmad al-Fahad al-Sabah. Mais tout le monde le surnomme “le cheikh”. Le Koweïtien, très influent, a été ministre de l’Information, puis de l’Énergie, ainsi que président de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) de 2003 à 2005.
Mais son environnement reste le sport. Ayant repris le flambeau à la mort de son père, il est depuis vingt-trois ans membre du Comité international olympique (CIO), ainsi que président de la Confédération asiatique de handball (AHF). À ce poste, qu’il occupe encore aujourd’hui, il a été impliqué dans ce que Le Monde définit comme “le plus grand scandale de l’histoire de ce sport”. Un match truqué permettant au Koweït, avant que le Tribunal arbitral du sport (TAS) n’invalide l’escroquerie, de se qualifier pour les Jeux olympiques de 2008.
Les soupçons de corruption escortent le cheikh depuis longtemps. Un câble diplomatique américain, divulgué par WikiLeaks, le considère comme “étant corrompu” et accusé “d’avoir manipulé les élections législatives en faveur des tribus afin qu’elles se rallient à lui”.
En 2012, Al-Sabah prend la tête de l’Association des comités nationaux olympiques (Acno). Cette puissante organisation gère le Fonds de solidarité olympique, une bourse de 438 millions de dollars sur la période 2013-2016, qui tire sa manne des droits de diffusion des derniers Jeux olympiques, à Londres et à Sotchi. Un budget en augmentation de 560 % depuis 1985 ! Son prédécesseur, Mario Vázquez Raña, affirme que le cheikh a offert “50 000 “raisons convaincantes” à des dirigeants du monde du sport” de voter pour lui.
Mais ce n’est qu’en mai 2015 qu’il intègre le comité exécutif de l’instance suprême du football. Alors que tous les observateurs le voient comme un candidat redoutable à la présidence de la Fifa, en juillet, le cheikh Ahmad annonce dans le journal suisse 24 heures qu’il soutient la candidature de Michel Platini : “Si on fait abstraction du scandale actuel, c’est lui qui aurait logiquement pris la place de Blatter. Cette transition aurait été tout à fait normale. Cela faisait des années que tout le monde savait cela. Tous les deux sont mes amis et, à un niveau humain, tout cela est très délicat.”