Alors que le vote pour rendre obligatoires 11 vaccins chez les nourrissons dès le 1er janvier 2018 approche, des parlementaires français de différentes tendances politiques*, y compris de La République en Marche, se sont rassemblés pour réclamer le temps de débattre sur le sujet, afin d’éviter un passage en force qui ne ferait qu’accentuer la suspicion à propos de la vaccination.
Les vaccins peuvent-ils être dangereux ? Si la pratique a révolutionné la santé publique, entre 30 et 40% des Français sont désormais méfiants à l’égard de la vaccination. La volonté de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de faire passer de trois à onze le nombre de vaccins obligatoires chez les nourrissons au 1er janvier 2018 semble ne rien arranger. “Le gouvernement va très certainement passer en force. Le but, ce n’est pas d’être contre la vaccination, mais l’obligation sans explication et sans débat risque de ne servir à rien et de ne faire qu’accroître la méfiance, comme c’est le cas en Italie”, estime Thomas Dietrich, ex-secrétaire général démissionnaire de la Conférence nationale de santé (CNS). Chargé il y a quelques années par Marisol Touraine d’organiser un “grand débat national” sur la vaccination via la CNS, le romancier avait claqué la porte de l’instance censée être indépendante, dénonçant en interne une véritable “mascarade” et un simulacre de démocratie.
À l’époque, Marisol Touraine envisageait déjà d’étendre l’obligation à onze vaccins. Une mesure qui est finalement restée dans ses cartons. “Je pense qu‘elle n’avait pas envie de se prendre un dossier explosif juste avant de partir, donc elle l’a légué à sa successeure, Agnès Buzyn, avec la “consultation” qui allait avec, celle que j’avais justement dénoncée”, poursuit Thomas Dietrich. En effet, le débat n’a pas été mené au sein de l’instance composée d’élus, de patients et de professionnels de santé, dont c’était pourtant la mission officielle. Le dossier a été légué au professeur Alain Fischer, nommé président d’une “concertation citoyenne sur la vaccination”. Conclusion : lever l’obligation vaccinale comme l’ont fait les pays du Nord est souhaitable, mais en attendant que les citoyens soient convaincus par la vaccination, il faut la rendre obligatoire. “Alain Fischer a outrepassé le débat soi-disant démocratique en ne se référant pas du tout aux conclusions des différents jurys et en le prenant à titre personnel”, dénonce l’eurodéputée EELV Michèle Rivasi, vent debout contre “l’autoritarisme” dont fait preuve le Gouvernement sur une question aussi cruciale : “Est-ce que vacciner à onze reprises des nourrissons peut avoir des effets sur les allergies, l’asthme ou même les morts subites, comme l’indiquent certaines études allemandes ? Je suis pour la vaccination, mais à condition d’en obtenir la justification. Pour la variole, la France a été en 2007 l’un des derniers pays à arrêter la vaccination alors que le virus avait disparu depuis plusieurs années.”
Contraindre avant de convaincre
De façon plus surprenante, plusieurs députés de La République en Marche se sont ralliés à cette démarche transpartisane pour réclamer un “vrai débat de fond” ainsi que la présentation d’études scientifiques sur le rapport bénéfice/risque de chaque vaccin. C’est le cas de la députée du Rhône Blandine Brocard, qui considère qu’un vote si rapide concernant autant de vaccins “met en péril” son travail de parlementaire et qu’aucune urgence sanitaire n’a été démontrée. Si Agnès Buzyn a donné un chiffre de dix morts ces dernières années, Michèle Rivasi affirme avoir vérifié et n’en avoir constaté que cinq depuis 2008. Aussi, cette mesure n’a jamais figuré dans le programme d’Emmanuel Macron. “Je veux pouvoir voter sur quelque chose que je comprends, en mon âme et conscience, déclare Blandine Brocard. C’est un sujet très délicat, parce qu’on n’a jamais pris le temps d’un véritable débat de fond qui ne soit pas partisan. On est tout de suite catalogué pro ou anti, alors que le débat ne se situe pas là et porte sur certains vaccins et certains adjuvants utilisés.”
L’argumentaire du professeur Alain Fischer, qu’elle résume en “D’abord contraindre et après convaincre”, ne fait pas partie de la dialectique de Blandine Brocard : “Sur le terrain, les citoyens s’inquiètent, y compris des médecins. Même au sein d’une table ronde à la commission des affaires sociales, chacun fait appel à une étude différente concernant le mode d’injection. Si on ne sait pas où l’on en est, pourquoi décider dans la précipitation ?” Comme Michèle Rivasi, qui dénonce un possible “cavalier budgétaire”*, Blandine Brocard s’étonne que la mesure se trouve intégrée au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, voté dans un mois à peine.
“Qu’on fasse passer un budget sur les vaccins dans le projet de loi de financement de la Sécu, je le conçois, mais il faudra m’expliquer pourquoi on y fait passer l’obligation”, se demande l’eurodéputée EELV, qui rappelle avoir été fortement “troublée par l’histoire du BPT”. Les trois vaccins actuellement obligatoires et regroupés sous le sigle BPT (diphtérie, polio, tétanos), ne sont pas remis en cause, mais sont depuis plusieurs années en “rupture de stock”. Comme il est impossible, en France, de se procurer seulement ces trois vaccins, les patients sont obligés, de fait, de se faire prescrire un “hexavalent” comprenant six vaccins différents, dont celui contre l’hépatite B suspecté, sans que le lien ait été démontré, de provoquer la sclérose en plaques. Blandine Brocard rappelle que la problématique a été portée par des citoyens devant le Conseil d’État, “qui a émis un avis enjoignant à l’État français soit de mettre à disposition des patients le seul BPT, soit de faire en sorte qu’ils deviennent tous obligatoires”.
Pour les labos, avec 800.000 naissances par an, c’est le jackpot assuré”
“Tout d’un coup, le prix est passé de 19 euros pour trois injections à 84 euros pour six, ce qui est des plus rentable pour les laboratoires pharmaceutiques”, souligne Thomas Dietrich. Pour Michèle Rivasi, il s’agit plutôt d’une “vente forcée” : “S’il était si important de se vacciner contre l’hépatite B, l’hæmophilus et la coqueluche en plus du BPT, eh bien qu’ils le justifient et jouent cartes sur table ! Et puis ce n’était pas une pénurie ! Sanofi n’avait même pas demandé l’autorisation de mise sur le marché du BPT, mais l’avait fait pour son hexavalent”, indique-t-elle. Concernant l’aluminium utilisé comme adjuvant de certains vaccins, suspecté, cette fois-ci à l’appui de plusieurs études, d’être neurotoxique, rien n’empêcherait l’État de contraindre les laboratoires. “C’est quand même le ministère qui fixe le prix des médicaments ! Ne peut-on pas demander aux laboratoires de fabriquer des vaccins sans aluminium, comme le faisait Mérieux avant 2008 ?” interroge la députée européenne.
Michèle Rivasi note une volonté “internationale de vacciner tout le monde parce que les objectifs ne sont pas atteints”. “Ça pousse de partout, en Roumanie, en Italie… En Suède, le Parlement a refusé alors qu’ils ont une couverture vaccinale au-delà de 95%. On sent derrière qu’il y a une volonté extérieure”, souffle-t-elle, pointant une éventuelle implication de l’OMS et rappelant que les vaccinations “incroyables” menées en Inde par Bill Gates n’ont pas marché. “Il faut faire très attention parce que, dès qu’on commence à critiquer la vaccination, on se fait traiter d’extrémiste. Ce que je demande, c’est un débat, qu’on mette des scientifiques, qu’on regarde des études épidémiologiques, qu’on regarde sur chaque vaccin la relation bénéfice/risque, sinon qui va gagner dans l’histoire ? Ce sont les labos, car pour eux c’est le jackpot. Ils sont assurés, avec à peu près 800.000 naissances par an, de faire vacciner tous les gamins. Et puis les courants anti-vaccination sont gagnants aussi, parce qu’ils disent : vous voyez, il y a bien quelque chose puisqu’ils veulent vacciner tout le monde… Je ne veux pas qu’on soit pro ou anti, c’est ridicule, je veux proposer une troisième voie.”
* Michèle Rivasi, députée européenne (EELV), Blandine Brocard, députée du Rhône (LREM), Laurence Cohen, sénatrice du Val de Marne (FG), Jacqueline Dubois, députée de Dordogne (LREM), Caroline Fiat, députée de Meurthe-et-Moselle (FI), Eric Alauzet, député du Doubs (LREM), Didier Quentin, député de Charente-Maritime (LR), et Thomas Dietrich, ex-secrétaire général démissionnaire de la Conférence nationale de santé.
* Cavalier budgétaire : Disposition législative qui n’a pas sa place dans le cadre d’une loi de finances. Les cavaliers budgétaires sont proscrits afin d’éviter un “gonflement” des projets de loi de finances et un allongement inconsidéré des débats budgétaires. Source : lexique parlementaire de l’Assemblée nationale.
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